01/09/01

La Photographie Hongroise des avant-gardes aux années 80

La Photographie hongroise ou l'Ecole des paradoxes
La Hongrie constitue à bien des égards, un paradoxe sur la scène artistique mondiale du XX° siècle. En effet, la puissance de création et de diffusion artistique d'un pays s'est toujours mesurée très largement à sa capacité politique et économique d'imposer ses vues aux autres Etats, à l'image de la France au début du siècle et, plus largement, des Etats-Unis depuis la Seconde Guerre Mondiale. Or, la Hongrie a connu une période d'intense créativité au moment même de son affaiblissement politique suite à la défaite de la Triple Alliance, à l'issue de la Première Guerre Mondiale. A l'inverse, Vienne, qui était le centre névralgique de l'Empire Austro-hongrois et incarnait un des pôles essentiels de l'avant-garde artistique européenne avec la Sécession, connaît une année 1918 qui marque, selon l'écrivain Karl Krauss, " la fin du monde ". En une seule année disparaissent successivement les principaux animateurs de l'école de Vienne que furent Gustav Klimt, Koloman Moser, Otto Wagner et Egon Schiele. Budapest, au même moment, voir surgir toute une génération de jeunes créateurs qui, par leurs personnalités et leurs modes d'expressions vont incarner une nouvelle modernité et élargir les frontières de l'art. La Hongrie incarne dans le panorama de l'art mondial un autre paradoxe, parfaitement souligné par Karoly Kincses : entre la fin de la première guerre mondiale et l'intervention militaire soviétique à Budapest (1956), plus de dix photographes marquants du XX° siècle ont quitté leur pays d'origine, ce qui fait de la Hongrie " le plus grand exportateur de photographes mondialement connus " : Brassaï, Martin Munkàcsi, Laszlo Moholy-Nagy, André Kertész, Robert Capa et son frère Cornell Capa, Gyorgi Kepes, Nicholas Murray, Paul Almasy, Lucien Hervé ou Ata Kando. Comme si pour s'épanouir les artistes hongrois devaient répondre aux appels de Berlin ou de Vienne dans un premier temps, puis de Paris et New York. La situation économique et politique difficile de la Hongrie au cours de cette période ne se répercute donc pas sur la capacité de la Hongrie à faire naître des talents mais se traduit plutôt par son incapacité à les conserver dans ses frontières. Cette fuite des cerveaux, comme nous l'appellerions aujourd'hui, fut donc non seulement liée aux soubresauts politiques mais également à l'incapacité de ce pays d'offrir les conditions nécessaires à l'émergence d'une scène artistique viable économiquement, hors de la soumission aux forces politiques dominantes. Pourtant, l'entre-deux-guerres a été une ère d'épanouissement pour la photographie hongroise grâce aux progrès techniques et à l'intérêt du grand public. Ainsi, la photographie hongroise commence à être reconnue sur la scène internationale, à tel point que l'on parle de style hongrois pour caractériser ce culte du beau, de la forme plutôt que du contenu, ce souci de l'esthétique plutôt que de l'engagement. Mais, parallèlement à ce courant " esthétisant " va se développer une photographie plus soucieuse du contenu, plus ouverte aux problèmes de son époque et plus proche des réalités. Elle sera représentée par deux courants : le photo-journalisme et la socio-photo, le premier se concevant comme un regard objectif sur le mode d'un Munkàcsi peut apparaître comme une excellente synthèse du réalisme photographique et du style hongrois, comme une rencontre heureuse entre la forme toujours très élaborée et le contenu au plus proche des réalités. Laszlo Moholy-Nagy, quant à lui, porte le style hongrois aux limites de l'esthétique, avec son avant-gardisme triomphal où les lois propres du support devaient annihiler toute subjectivité. De la même manière, les photographies de Paris réalisées par Brassaï croisent habilement la flânerie romantique à la façon de Walter Benjamin (Paris, capitale du XIX° siècle) et le quasi relevé topographique de l'architecture de la ville, entre subjectivité et objectivité, entre forme et sens. Robert Capa, figure mythique du photo-journalisme de guerre, qui a su retranscrire pour nous la guerre d'Espagne ou le débarquement de Normandie, était également tout aussi soucieux du contexte que de son aspect formel. Autre point commun de cette génération prodigue, la capacité de faire entrer de nouveaux modes d'expression dans le domaine artistique. Que la photographie de mode ou le photo-journalisme constituent des courants transversaux de l'expression artistique n'étonnera aujourd'hui personne, mais c'est sans doute grâce à des hommes tels que Munkàcsi et Capa (et bien d'autres photographes hongrois) qu'une telle ouverture d'esprit est désormais possible. Cette capacité de porter un mode d'expression au niveau de l'excellence artistique, de le détourner de ses fins purement marchandes ou informatives est peut-être le principal héritage de la photographie hongroise. Belle réussite en réalité que cette diaspora de photographes qui n'aura pas eu besoin de se fédérer en courant, en " isme ", pour rayonner jusqu'à nous.
Maximilien Queyranne
Parle-t-on de la photographie hongroise, on pense aussitôt à des artistes aussi célèbres qu’André Kertész, Brassaï, Martin Munkacsi, Robert et Cornell Capa, Lucien Hervé, György Kepes, Laszlo Moholy-Nagy, Eva Besnyö, Sylvia Plachy et bien d’autres... Avec leur renommée mondiale, ces artistes partagent, sans exception, d’être hongrois et d’avoir, à l’âge adulte, émigré de Hongrie. Leur connaissance de la photographie, leur approche, leur relation au monde se sont forgés pendant leurs années passées en Hongrie, mais c’est à l’étranger qu’ils sont devenus célèbres, au point de s’inscrire dans l’histoire de la photographie du vingtième siècle. Cependant, nombre de leurs contemporains restés en Hongrie, qui avaient les mêmes origines et les mêmes ambitions, sont allés aux mêmes écoles, ont eu la même formation. Pour n’avoir pas quitté leur pays, ils n’avaient pas moins de valeur ni de talent, mais la place de la Hongrie dans l’histoire de l’Europe centrale les a condamnés à l’isolement. Qui connait le monde d’un Angelo, d’un Jozsef Pecsi, probablement le photographe le plus novateur des années vingt et trente, d’un Nandor Barany, d’un Zoltan Zajky qui, dans le nouveau style positiviste, ont laissé des oeuvres à jamais restés uniques ? Les meilleurs des reporters photographes hongrois, Rudolf Balogh, Karoly Escher ou Denes Ronaï, ont su montrer qu’ils savaient, tout autant qu’Erich Salomon ou Werner Bischof, aller au coeur de l’événement. Et que dire encore des meilleurs étudiants du Bauhaus, Judit Karasz, Iren Blüh et les photographes sociaux hongrois, rassemblés autour de Lajos Kassak ? Nous avons pensé que cet ensemble considérable mais mal connu avait une place aussi légitime que brillante dans une exposition sur l’histoire de la photographie hongroise entre 1920 et 1945. Parmi les collections du musée hongrois, nous avons choisi des photographies d’auteurs d’origine hongroise de renommée mondiale, et, parallèlement, des images d’artistes qui sont restés en Hongrie, en veillant à la cohérence des différentes tendances rencontrées. Il nous a semblé juste de rajouter à la liste des " restés sur place " les oeuvres d’artistes tels que Ferenc Csik, Lajos Lengyel, Denes Ronaï, Kalman Szöllösy, Ernö Vadas.
Karoly Kincses, Conservateur du Musée de Kecskemet
Dans le cadre de la Saison Hongroise MAGYart et en partenariat avec l'Association Française d'Action Artistique (AFAA), le Musée du Montparnasse présente « La Photographie Hongroise des avant-gardes aux années 80 dans les collections du Musée Hongrois de Kecskemet », du 12 septembre au 28 octobre 2001. Les commissaires de l'exposition sont, pour la Hongrie, Karoly Kincses, Magdolna Kolta et, pour la France, Monique Plon.
La Photographie Hongroise est surtout connue par des artistes tels que : André Kertész, Brassaï, Martin Munkacsi, Robert Capa, Laszlo Moholy-Nagy, Lucien Hervé, Paul Almasy et bien d'autres... Tous ces artistes nés en Hongrie ont souvent eu un parcours commun. Après des études à Budapest dans les années vingt, ils partent pour Vienne puis Berlin qui est alors le centre artistique de l'Europe, mais la montée du nazisme en 1933 les obligent à se réfugier à Paris ou New York. A côté de ces grands noms, d'autres photographes, restés en Hongrie, ont su, malgré les vicissitudes rencontrées dans leur pays et l'isolement, imposer un style, un culte du beau ou un même souci du réalisme que leurs compatriotes émigrés. Dans cette exposition, on peut voir côte à côte, les oeuvres des artistes restés au pays et celles de ces photographes qui, à travers l'oeil, ont gardé une même sensibilité originelle et développé une ouverture et une réflexion théorique que leurs compatriotes moins connus ont partagées. Cette exposition s'efforce de faire découvrir, en apportant un nouveau regard sur les maîtres de la Photographie Hongroise, célèbres ou moins célèbres, mais tout aussi talentueux tels que Angelo, Josef Pecsi ou Nandor Barany. Tous ces " vintages " et photographies originales des collections du Musée de Kecskemet, près de Budapest, ont été rassemblés et conservés par Karoly Kincses et sa collaboratrice Magda Kolta. Leur érudition, leur grande connaissance de la photographie, les dons des artistes et des collectionneurs ont fait du petit Musée de Kecskemet, un lieu incontournable pour les amoureux de la photographie.
Les photographes Hongrois émigrés
Lucien AIGNIER Paul ALMASY Ferenc ASZMANN Ferenc BERKO Eva BESNYO Irène BLÜHOVA BRASSAÏ Cornell CAPA Robert CAPA Emeric FEHER Francis HAAR Lucien HERVE Ata KANDO György KEPES Lajos KERESZTES André KERTESZ Ergy LANDAU György LORINCZY Mari MAHR Laszlo MOHOLY-NAGY Miklos MÜLLER Martin MUNKACSI Sylvia PLACHY Gustave SEIDEN
Ceux qui sont restés en Hongrie
ANGELO Rudolf BALOGH Nandor BARANY Zoltan BEREKMERI Ferenc CSIK Karoly ESCHER FG HALLER Judit KARASZ Lajos LENGYEL Jozsef PECSI Marian REISMANN Denes RONAÏ Kata SUGAR Kalman SZÖLLÖSY Ernö VADAS Istvan VECSENYI
Informations pratiques : Horaires d'ouverture : mercredi au dimanche inclus (fermé lundi et mardi) de 13h à 19h - Tarifs : Plein : 25 frs - Réduit : 20 frs (étudiants, + de 60 ans, chômeurs, carte Amis du Louvre et ICOM) - Groupe : 20 frs/ personne - Accès : Métro : lignes 4, 6, 12, 13, station Montparnasse ou Falguière - Bus : 28, 48, 58, 89, 91, 92, 94, 95, 96

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