Eija-Liisa Ahtila, On Breathing
Galerie Marian Goodman, Paris
5 septembre – 4 octobre 2025
On Breathing, 2024
Single channel installation. Image 4K UHD
Audio 2.0. 9 min. 45 sec. en boucle. Crystal Eye 2024
© Eija-Liisa Ahtila, courtesy Galerie Marian Goodman
Un arbre peut-il être un protagoniste ou un espace ? Comment, à travers l'action, cela affecterait-il les règles de la narration ?—Eija-Liisa Ahtila
La Galerie Marian Goodman présente une nouvelle exposition d’Eija-Liisa Ahtila qui dévoile pour la première fois en France deux grandes œuvres vidéo, On Breathing et APRIL ≈ 61°01’ 24°27’ (2024). Reconnue internationalement pour ses installations cinématographiques, Eija-Liisa Ahtila remet en question la notion de perspective dans l'image en mouvement et construit une expérience où plusieurs temporalités et espaces coexistent. Dans le prolongement de ses recherches menées au cours de la dernière décennie, les œuvres de l'exposition explorent chacune à leur manière des formes de narration et de modes de présentation conçues autour de la nature et du vivant. Abandonnant un point de vue anthropocentrique, Eija-Liisa Ahtila cherche à rendre visible le monde non-humain et en particulier les arbres. Alors que On Breathing dépeint les entrelacs délicats d’un arbre et de la brume matinale, APRIL capture le passage silencieux d'une saison à une autre, à travers des déplacements subtils de l’espace entre les arbres et l’observation attentive de la forêt.
Au rez-de-chaussée de la galerie, On Breathing (2024), une projection d’une durée de 9 minutes, s’apparente à un poème visuel qui met l'accent sur le mouvement lent et hypnotique de la brume s’évapororant autour d’un chêne. Ce phénomène matinal est typique des conditions automnales et hivernales, lorsque la mer demeure plus chaude que l'air et le sol environnants. Le déplacement de la brume et le son qu'elle produit dans les branchages évoquent poétiquement une respiration végétale. « L'air autour du chêne semble tangible, et l'espace à l'intérieur devient réel, comme si, pour un instant, la respiration de l'arbre devenait perceptible », explique l’artiste.
Eija-Liisa Ahtila, qui recourt fréquemment de plusieurs écrans et split-screens pour révéler simultanément différents aspects d'un même récit, utilise ici des incrustations vidéo afin de superposer des temporalités distinctes. La dérive du brouillard et son interaction avec les feuilles, le rythme et les plans de la caméra ; tout concourt à composer un tableau animé singulier.
Envisageant ses œuvres récentes comme un continuum, l'artiste remarque que chaque processus créatif la conduit naturellement vers le suivant. Depuis 2011, elle a ainsi progressivement remplacé les protagonistes humains par des arbres ou d’autres organismes vivants, donnant naissance à une série d'œuvres qui abordent « le récit écologique de l'image en mouvement ». Cette nouvelle orientation remet en question la relation contemporaine entre nature et humanité, ainsi que la frontière artificielle séparant les êtres humains et le reste du vivant. « J'ai tenté de développer des approches visuelles et des méthodes de narration qui pourraient nous montrer une voie pour sortir de l'anthropocentrisme et permettre la présence d'espèces non humaines dans notre imaginaire », affirme Eija-Liisa Ahtila.
Au niveau inférieur de la galerie, APRIL ≈ 61°01’ 24°27’(2024), exposée pour la première fois au musée Kröller-Müller aux Pays-Bas, immerge les visiteur·euse·s dans la forêt du parc naturel d'Aulanko, en Finlande, à proximité de la ville natale de l’artiste. Connue comme un environnement naturel encore préservé de l'activité humaine, cette forêt a été filmée pendant deux années consécutives, en 2022 et 2023, entre la fin mars et le mois de mai. Si le titre de l'œuvre se réfère au mois d’avril associé à la régénération de la nature, l'installation longue de près de 12 mètres et composée de huit écrans de projection, montre la transition subtile entre la fin de l'hiver et l’arrivée de l’été. Les huit séquences sont agencées de manière chronologique : de gauche à droite, la forêt apparaît d’abord aux premiers moments de la fonte des neiges, jusqu'à l'arrivée prématurée de l'été.
L'échelle et l’horizontalité de l'installation évoquent Horizontal (2011), oeuvre emblématique de l’artiste, née de sa volonté de représenter un sapin géant dans son intégralité. Pour éviter les distorsions liées à l’usage d’un objectif grand angle, Eija-Liisa Ahtila avait choisi de capturer l’arbre en plusieurs sections horizontales, avant de le présenter lui aussi sous la forme horizontale sur une série de six écrans de projection.
Avec APRIL, la forêt envisagée comme un écosystème où les arbres et une multitude d'organismes interagissent en permanence, est pour la première fois au centre de l'attention de l'artiste. La source de l'œuvre est la vie sylvestre, où chaque être singulier est un élément intégré de l'ensemble et où cet ensemble existe en retour dans cet être singulier. Pour créer un langage cinématographique adapté au sujet, les mouvements de caméra dans chacune des huit sections sont fluides et asynchrones, alternant ralentis et arrêts momentanés. « Le thème d'APRIL est la spatialité de l'être, le changement constant et la prise de forme de la forêt, qui est sa qualité fondamentale », explique Eija-Liisa Ahtila.
Eija-Liisa Ahtila est née à Hämeenlinna, en Finlande, en 1959. Elle a reçu de nombreux prix au cours des deux dernières décennies, dont récemment le titre de Commandeur de première classe de l'Ordre de la Rose blanche de Finlande (2020). Elle vit et travaille à Helsinki.
Les oeuvres d'Ahtila sont largement exposées depuis le début des années 1990. L'exposition « The Power of Trees », incluant Horizontal, est visible jusqu'au 14 septembre 2025 à la Shirley Sherwood Gallery of Botanical Art, Kew Gardens, Richmond, près de Londres. Récemment, elle a présenté des expositions personnnelles au Serlachius Manor en Finlande (2024) ; au Kröller-Müller Museum aux Pays-Bas (2024) ; à l'Ulrich Museum of Art à Wichita aux États-Unis (2022) ; à la National Gallery of Art à Vilnius en Lituanie (2021) ; au M Museum à Louvain en Belgique (2018) et au Serlachius Museum Gösta à Mänttä en Finlande (2018). Précedemment son travail a fait l’objet d’expositions monographiques dans de nombreuses institutions telles que l'Australian Centre for the Moving Image à Melbourne (2017) ; Guggenheim Bilbao en Espagne (2016) ; Albright-Knox Gallery à Buffalo aux Etats-Unis (2015) ; Oi Futuro à Rio de Janeiro au Brésil; Kiasma à Helsinki en Finlande (2013) ; Moderna Museet à Stockholm en Suède (2012); le Carré d’Art à Nîmes (2012) ; Museo del Palacio de Bellas Artes à Mexico au Mexique (2012) ; Art Institute of Chicago aux Etats-Unis (2011) ; Parasol Unit à Londres au Royaume-Uni (2010) ou encore le Jeu de Paume à Paris (2008). Eija-Liisa Ahtila a été membre du jury au Festival du film de Venise en 2011 et présidente du jury du FIDMarseille en 2013.
GALERIE MARIAN GOODMAN
79 rue du Temple, 75003 Paris