Pause, Une exposition collective avec les artistes Rehaf Al Batniji, Sven Augustijnen, Nidhal Chamekh, Banele Khoza, Naeem Mohaiemen, Peter Piller, Oraib Toukan
49 Nord 6 Est - Frac Lorraine, Metz
6 septembre 2024 — 9 février 2025
Rehaf Al Batniji
Gaza Timezone, 2022-2023
The Chair of Love, 2016
Photographies
Courtesy de l’artiste
Certaines images nous restent en mémoire car elles résonnent avec ce que nous traversons. Elles semblent à la fois reliées à la situation présente ainsi qu’à des événements qui ont déjà eu lieu, matérialisant ainsi un point où passé et présent s’entrechoquent. Ces images qui contiennent plus qu’elles-mêmes nous font basculer de l’autre côté du miroir, dans un espace-temps suspendu où le futur n’est pas prédéterminé, où les possibles sont le point d’appui.
La manière dont le passé s’est perdu dans le présent, tout en continuant à l’informer, est au coeur de cette exposition. Elle nous invite à revisiter des images qui ont traversé l’histoire, qu’il s’agisse de natures mortes, de scènes de combat ou de mouvements de solidarités populaires – entre autres – pour approcher différemment le présent. Ces images qui ont glissé dans l’oubli, parfois par besoin de survivre, d’autres fois par déracinement, embarras ou mépris, resurgissent tels des fantômes qui hantent le présent et ponctuent nos errances visuelles, chargées d’un sens qui ne nous apparaît plus entièrement.
Notre empathie face aux images est explorée par les artistes dans l'exposition, pour sonder et mettre en perspective les contextes qui fabriquent cette empathie. Il s'agit surtout des médias et des réseaux sociaux, qui font défiler les images à un rythme nous empêchant de saisir la complexité des situations dont elles sont extraites.
Cette réalité met en évidence que notre attirance face aux images circulant autour de nous est ambivalente, guidée par le désir de se relier au monde sans en apprécier nécessairement toutes les facettes. Cela se manifeste dans l’envie de se connecter à un flux d’images pour savoir ce qui se passe autour de nous, tout en ressentant parfois le besoin de détourner notre regard, comme si les situations alors présentées constituaient une menace à notre bonheur. Celles-ci peuvent susciter le trouble ou le besoin d’être face à un répertoire pictural plus apaisant. Et ainsi notre quotidien d’images médiatiques alterne entre stupeur et chatons.
Dans une époque façonnée par la peur et les dérives autoritaires, le passé constitue une piste pour comprendre notre environnement visuel. Alors comment peut-il nous aider à regarder les images qui défilent devant nous ? Et puisque l’exposition revisite le passé pour proposer d’autres regards sur le présent : comment utiliser le pouvoir que l’institution a reçu en héritage pour sortir du motif du vainqueur et donner une place à d'autres généalogies ?
Pause rassemble des oeuvres qui s’appuient, pour certaines, sur des images issues du flux médiatique, glissées dans le quotidien et qui sont parfois difficiles à recevoir, ou qui ne reflètent qu’une partie de l’histoire.
Offing, 2021
Vidéo
Courtesy de l'artiste
L’artiste Oraib Toukan interroge les liens entre images en circulation et réalité de l’expérience, et par conséquent la réalité fabriquée par les médias - une zone de pouvoir à part entière. Elle isole certains aspects du champ de vision en les superposant à des récits vécus, qui révèlent la complexité des ressentis face à l’événement.
Oraib Toukan est née en 1977. Palestinienne-jordanienne, elle vit et travaille à Berlin. Utilisant la post-production comme médium, Oraib Toukan emploie la photographie, le film, le texte et la parole pour interroger certaines représentations de la violence. En opposant des images tendres et banales à l'horreur dans Offing (2021), ou en rééditant des images d'archives restaurées dans Via Dolorosa (2021), elle interroge : à l'ère où les images de guerre sont immédiatement à portée d'écran, que signifie regarder la douleur à distance ? Oraib Toukan est boursière EUME du Forum Transregionale Studien, Berlin, et a reçu la bourse Clarendon de l'Université d'Oxford, Ruskin School of Art, où elle a obtenu un doctorat en 2019. Elle est l'autrice du livre Sundry Modernism : Materials for a Study of Palestinian Modernism (Sternberg Press, 2017). Jusqu'en 2015, elle a dirigé le programme d’arts et d'études des médias au Bard College Al Quds University (AQB), Palestine. Elle a notamment exposé au KW Institute for Contemporary Art, Berlin, à l'Akademie der Künste, Berlin, au Mori Art Museum, Tokyo, et à la Triennale Asie-Pacifique.
L’histoire est simple et édifiante. Une sélection
d’articles parus dans Paris Match,
première partie 1960-1972, 2014
Installation
Courtesy de l'artiste
L’artiste Sven Augustijnen évoque la présence à travers le monde d’un fusil d’assaut léger fabriqué en Belgique, en étudiant son apparition récurrente dans des conflits couverts par le magazine Paris Match, transposant le conflit dans le salon.
Sven Augustijnen est né en 1970 à Malines. Il vit et travaille à Bruxelles. Cet artiste explore les frontières du genre documentaire, qu'il réévalue par le biais du storytelling et de l’historiographie. Il est particulièrement intéressé par la manière dont images, histoires et fictions se recoupent pour construire la réalité. Swen Augustijnen a notamment présenté ses oeuvres dans les institutions suivantes : Cultuurcentrum Strombeek Grimbergen (2019), The Hugh Lane, Dublin (2016), Kunsthall Trondheim (2015), VOX, Centre pour l’Image contemporaine, Montréal (2013), Kunsthalle Bern (2011), WIELS, Bruxelles (2011). Citons parmi les expositions de groupe : The Power Plant, Toronto (2015), Gestures and Archives of the Present, Genealogies of the Future, Biennale de Taipei (2016), Europe – The Future of History, Kunsthaus Zürich (2015), Ce qui ne sert pas s’oublie, CAPC, Bordeaux (2015), Enthousiasme ! Rencontres Picha, Biennale de Lubumbashi (2013).
Two Meetings and a Funeral, 2017
Film
Courtesy de l'artiste
Naeem Mohaiemen revient sur l’espoir amené par le congrès d’Alger en 1973 pour penser un ordre mondial qui serait sorti de l’opposition entre les deux blocs et de la domination des Suds par le Nord, espoir envolé en peu de temps, mais dont les images qui suggèrent d’autres possibles nous reviennent comme un rendez- vous manqué, un espoir à ne pas oublier.
Naeem Mohaiemen est né en 1969 à Londres. Il vit et travaille entre Dhaka et New York. Cet artiste associe films, photographies et essais dans sa pratique qui explore les formes d’utopie - dystopie au sein de cellules familiales, autour des frontières, de l'architecture et des soulèvements populaires – ces derniers prenant leur origine en Asie du Sud et rayonnant ensuite à travers le monde musulman après 1945. En 2006, il a entrepris la réalisation d’une série de films intitulée The Young Man Was, dans lesquels il examine la gauche révolutionnaire comme un cheval de Troie accidentel. Cette série a été réalisée à partir de séquences de films existants, d’images d’archives, de reportages télévisés, d’entretiens et de bandes audio. Le film Two Meetings and a Funeral (2017) issu de cette série a été présenté lors de la documenta 14, ainsi qu’à l’occasion de sa nomination au Turner Prize (2018). Les films de Naeem Mohaiemen figurent dans les collections du Museum of Modern Art (New York), de la Tate Modern (Londres), du MACBA (Barcelone), du Van Abbemuseum (Eindhoven), du Kiran Nadar Museum (Delhi), de la National Gallery of Singapore et de l'Art Institute of Chicago, entre autres. Naeem Mohaiemen est actuellement professeur à la tête du département de photographie de l'Université de Columbia, New York.
D’autres artistes proposent de reconfigurer le passé pour questionner le présent.
Et si Carthage ?, 2023
Encre, mine de plomb sur papier, échafaudage
Courtesy de l'artiste et galerie Selma Feriani, Tunis
Ainsi Nidhal Chamekh reprend des images archéologiques pour interroger ce qui se serait passé si Carthage n’avait pas été détruite. Cette ville cosmopolite faisait tellement peur aux romains qu’ils avaient décidé de recouvrir sa terre de sel, pour être sûrs que rien n’y repousse.
Nidhal Chamekh est né en 1985 à Dahmani, Tunisie. Il vit et travaille entre Tunis et Paris. Nidhal Chamekh est diplômé des Beaux-arts de Tunis et de l'Université de la Sorbonne à Paris. Son oeuvre se situe au croisement du biographique et du politique, du vécu et de l’historique, de l’événement et de l’archive. Elle fragmente, défait et dissèque la constitution de notre identité contemporaine. Ses oeuvres ont été exposées à la 12e édition de la Biennale de photographie de Bamako (2019), à la Biennale de Venise (2015), à la Triennale d'Aïchi (2016), à la Biennale de Yinchuan (2016), au musée Modern Art Oxford (Royaume-Uni), Skissernass Museum (Suède), Dream City Biennial (Tunisie).
Untitled, 2024
Acrylique sur toile
Courtesy de l'artiste
Banele Khoza reprend le genre historique de la nature morte pour l’associer à l’amitié. Pourtant ce genre pictural s’est développé sur fond de Contre-Réforme et de déploiement de l’empire colonial hollandais, dont les richesses étaient rassemblées dans les tableaux pour montrer la puissance du pays, tout en rappelant la fragilité de la vie. Là aussi une iconographie classique est réappropriée pour être recontextualisée, associée à d’autres paramètres et connotations, sans oublier le poids du passé – puisque l’Afrique du Sud fut notamment colonisée par les Pays-Bas.
Banele Khoza est né en 1994 à Hlatikulu, Eswatini. Il vit et travaille à Pretoria, Afrique du Sud. Le travail de Banele Khoza se déploie dans les médiums de la peinture et de la lithographie. Inscrit à la London International School of Fashion de Johannesburg, il se rend vite compte de sa passion pour le dessin et finit par obtenir une licence en beaux-arts à l'Université de technologie de Tshwane à Pretoria. En 2017, il remporte le prix Gerard Sekoto et ainsi une résidence de trois mois à la Cité Internationale des Arts à Paris. Fasciné par les fleurs, il a pris pour habitude d'en acheter pour les observer. Il dit que de côtoyer des fleurs coupées lui a appris que « la vie peut vous passer à côté si vous ne prêtez pas attention au moment présent ». L'amitié et les relations humaines sont une des sources d'inspiration de son travail. Ses oeuvres abordent les questions du genre à travers diverses techniques, telles que la lithographie, les encres acryliques et les croquis graphiques, pour créer des images qui s'apparentent à des journaux intimes. En 2022, il a effectué une résidence à Ampersand, New York. Ses récentes expositions personnelles ont notamment eu lieu à la galerie BKhz, Johannesburg (2023), au kunsthaus göttingen (2022) et à la Nil Gallery, Paris (2022). Khoza a également été exposé dans le cadre du Curatorial Lab au Zeitz MOCAA (2018).
Les photographies de Rehaf Al Batniji sortent des représentations habituelles des zones de conflit pour en présenter un aspect plus quotidien, presque banal. Ses images réalisées à Gaza montrent des paysages urbains où la dimension humaine et la poésie resurgissent envers et contre tout, comme un défi lancé à l’histoire tragique qui s’écrit en parallèle.
Rehaf Al Batniji est une artiste palestinienne autodidacte, née à Gaza en 1990. Après trois mois de guerre, elle parvient à quitter Gaza et rejoint la Cité internationale des Arts à Paris en février 2024 où elle réside depuis. Son parcours artistique est ancré dans la photographie de rue, considérant les rues comme des portails pour comprendre les vies, les cultures et les identités des habitants de sa ville. Rejetant la représentation du conflit par une imagerie brutale, elle utilise la couleur comme un outil de résistance pour montrer autrement la vie quotidienne sous occupation. Elle a récemment exposé son travail lors d’expositions collectives à l'Institut du Monde Arabe (Ce que la Palestine apporte au monde), au festival AWAN - Arab Women Artists Now (Londres), à la Fondation Al Qattan et la Fondation Kamel Lazaar (Tunisie), entre autres.
Parce que regarder dans une direction plutôt qu’une autre est un choix qui nous engage, Peter Piller nous rappelle dans sa série "In Löcher Blicken" (Regarder dans les trous), que parfois, dans le doute, nous regardons dans le vide, dans une percée du réel – telle une métaphore du doute visuel, une interrogation pleine d’humour sur notre regard qui continue à chercher des réponses face à l’incertitude.
Peter Piller est né en 1968 à Fritzlar. Il vit et travaille à Hambourg. Grâce à une observation minutieuse et un humour subtil, Peter Piller interroge le potentiel des images issues des médias. Attiré par les photographies apparemment les plus insignifiantes, l'artiste découvre ce « genre » dans la presse locale et construit une archive sans classements hiérarchiques, alphabétiques ou thématiques, et dont les intitulés sont souvent ambigus. Depuis les années 90, il classe ces images venues de contextes aussi différents que des archives d'entreprise, des stocks de l'armée, des journaux locaux, pour les réagencer dans des installations et des livres d'artistes. Peter Piller a exposé récemment à la Kunsthalle Düsseldorf (2023), à la Overbeck Gessellchaft, Lübeck (2022) et au Weserburg Museum, Brême (2021). Aujourd'hui, Peter Piller est professeur de beaux-arts à la Kunstakademie de Düsseldorf.
Directrice du Frac Lorraine et commissaire de l'exposition : Fanny Gonella
49 Nord 6 Est - FRAC LORRAINE
Fonds régional d’art contemporain de Lorraine
1 bis, rue des Trinitaires, 57000 Metz