Paul Sietsema
Galerie Marian Goodman, Paris
18 octobre - 20 décembre 2025
Arrangement, 2025
Peinture émail sur lin
121.9 x 121.9 x 2.9 cm (48 x 48 x 1 1/8 in.)
© Paul Sietsema, courtesy Marian Goodman Gallery
La Galerie Marian Goodman à Paris présente actuellement la deuxième exposition personnelle de l'atiste américain Paul Sietsema en France. Cette exposition rassemble des oeuvres nouvelles et plus anciennes, dont deux films 16 mm. Le travail de Paul Sietsema explore la nature complexe de la représentation, en examinant comment le sens se construit à l'intersection de l'image et de la matière. Si l'art est une forme de langage culturel, l’artiste adopte une approche dialectique qui interrompt, détourne ou reconfigure le flux naturel de la communication.
Sept oeuvres créées cette année sont exposées au rez-de-chaussée de la galerie. A première vue, chacune d'entre elles représente un objet familier – un téléphone, une pièce de monnaie, un pinceau, etc. – et pourtant, de par différents dégrés de mises à distance propres au procédé de Paul Sietsema, ces images apparaissent comme des spectres ou des réceptacles de ces représentations. Ces reliquaires se déploient de manière critique pour redéfinir leur fonction, à mesure qu’ils évoluent dans le temps au sein d’un système dont la constante mutation dépend des valeurs culturelles héritées du passé. Object painting (2025), figure une machine obsolète, conçue dans sa physiologie pour permettre au corps humain de transformer une action laborieuse en langage. Le téléphone à cadran, déconnecté, de Arrangement (2025) évoque, quant à lui, la dimension métaphysique de la peinture tout en suggérant un potentiel de transmission et d’échanges réels, rendu ici irréalisable.
A travers ces oeuvres, Paul Sietsema représente ou présente des matières premières : métal, toiles naturelles et peinture dans leurs formes les plus brutes. Dans cette optique, réfléchissant à la valeur symbolique de la peinture, Gray painting (2025) est une composition abstraite et monochrome qui joue des codes du matérialisme concret et laisse apparaître certaines parties de la toile vierge. Cette oeuvre renvoie tant à un travail antérieur de l’artiste qu'à la peinture abstraite du milieu du XXe siècle, période durant laquelle la peinture est passée d’un statut spirituel et politique à celui d'une monnaie culturelle dotée d'une valeur symbolique. De même, Action painting (black line) (2025) et Action painting (white on black) (2025) évoquent la portée emblématique du geste pictural autonome dans la peinture abstraite occidentale et de la valeur qui lui est attribuée. Action painting (black line), représentant l'image peinte d'une pièce de monnaie répandant une trainée de peinture sur la toile, met en parallèle le commerce et la valeur d'échange de l’oeuvre avec une action concrète.
Les oeuvres Action painting (black line) et Figure ground study (white on white) (2025) ont été peintes au verso d’imitations de tableaux de Jackson Pollock achetées sur des sites d'enchères en ligne, estampillées de faux tampons d'authenticité. Dans Figure ground study (white on white) (2025) et Arrangement (2025), des fragments de CD et de vinyles brisés ont été recouverts de peinture. Les objets initiaux sont littéralement et métaphysiquement ‘réduits au silence’ par les différentes interventions opérées par l’artiste, marquant leur transformation d'objet en image.
Au sous-sol de la galerie est présentée une sélection d'oeuvres datant de 2009 à 2020. Les ‘date paitings’ 1992 (2015) et 1994 (2015) ont été réalisées, entre autres outils de retouche photo argentique, avec un pinceau enduit de liquide de masquage au latex et un aérographe en partie cassé pour représenter des dalles de pierre minimalistes. La figuration des dates sur les pierres traduit l'échelle d'une histoire personnelle plutôt que collective. De même, Collection 5 (2016) donne à voir des jetons de vestiaire de musée collectés par l’artiste, réalisés à la peinture émail sur du papier incrusté de poussières provenant de son atelier. Lors de nombreuses visites dans des musées, l'artiste a régulièrement échangé des effets personnels contre ces jetons souvent marqués du nom des institutions. Si la première fois, il a oublié un vêtement, il a ensuite délibérément abandonné divers articles de sa propre garde-robe, essaimant ainsi, en quelque sorte, ses ‘oeuvres’ dans les musées du monde entier.
Une autre oeuvre est en partie issue des effets du travail en atelier. Le film muet, en noir et blanc, Anticultural Positions (2009), montre des images de traces résiduelles provenant de l'espace de travail de Paul Sietsema. Celles-ci sont accompagnées de sous-titres extrait d'une conférence donnée en 1951 par Jean Dubuffet, dans laquelle celui-ci énonce l'absence de forme et l'ambiguïté comme éléments essentiels du processus artistique. Le film a été projeté pour la première fois à la New School de New York en remplacement inattendu d'une conférence de Paul Sietsema alors que celui-ci était dans un avion en route vers la côte ouest des Etats-Unis.
Les deux films 16 mm dans l’exposition mettent en lumière le médium de prédilection initialement choisi par l'artiste pour interroger les constructions de la matérialité et leur relation plus large avec les médias. Dans Telegraph (2012), des fragments de bois trouvés sont utilisés pour former et incarner le langage. Reliés par une série de fondus enchaînés, ces morceaux sont configurés et reconfigurés au sein d'une structure répétitive et minimale qui finit par composer la phrase «L/E/T/T/E/R/T/O/A/Y/O/U/N/G/P/A/I/N/T/E/R». Le film explore l'idée de l’oeuvre d'art comme transmission en atténuant l'ordre de lisibilité linguistique et en soulignant l'abstraction inhérente à chaque forme de lettre.
Antérieures aux oeuvres présentées au rez-de-chaussée, Action painting (1977) (2017) et Action painting (City National) (2016) sont composées d'un unique geste réalisé en raclant ou frottant un objet sur la couche picturale, respectivement une pièce de monnaie et une carte de crédit. L'objet physique reste incrusté dans la peinture, l’amenant à perdre sa valeur monétaire au profit d’une valeur symbolique lors de sa transformation en oeuvre d’art. Pour Blue Picasso (2020), Paul Sietsema a sérigraphié sur toile une affiche originale du Guggenheim, avant d’y superposer la couleur de sa bordure originelle, créant ainsi un masque monochrome recouvrant l’intégralité de image. Cette technique affadit subtilement l’image, diminuant, voire suspendant, la fonction première de l’affiche.
Paul Sietsema (né en 1968 en Californie) vit et travaille à Los Angeles. Il est diplômé de l'université de Californie à Los Angeles en 1999 et de l'université de Californie à Berkeley en 1992. De nombreuses institutions ont consacré des expositions individuelles à son oeuvre, notamment le Nouveau Musée National de Monaco (2015), le Museum of Contemporary Art de Denver (2014), le Museum of Contemporary Art de Chicago (2013), le Wexner Center for the Arts de Columbus, dans l'Ohio (2013), le Mercer Union de Toronto (2013), la Kunsthalle Basel (2012), The Drawing Room de Londres (2012), le Schinkel Pavilion de Berlin (2010), le Cubitt de Londres (2010), le Midway Contemporary Art de Minneapolis (2010) ; le Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía de Madrid (2009) ; le Museum of Modern Art de New York (2009) ; le San Francisco Museum of Modern Art (2008) ; la de Appel Foundation d’Amsterdam (2008) et le Whitney Museum of American Art de New York (2003).
GALERIE MARIAN GOODMAN, PARIS
79 rue du Temple, 75003 Paris
