11/07/19

Stephan Balkenhol @ Le Portique, Le Havre

Stephan Balkenhol
Le Portique, Centre régional d'art contemporain du Havre
Jusqu'au 29 septembre 2019

STEPHAN BALKENHOL
Frau mit rotem Kleid, 2009
Bois d’abachi peint, 170 cm
Courtesy de l’artiste

Artiste internationalement reconnu, Stephan Balkenhol a conquis tant les espaces urbains que muséaux avec ses sculptures réalistes. On lui doit, par exemple, une statue de Jean Moulin érigée dans la gare de Metz ou encore une série de trois sculptures (Torwächter), au coeur d’un centre commercial berlinois (DomAquaré), représentant des « gardiens des portes », trois figures surdimensionnées et montées sur des piliers de bois.

Son travail, rejouant la statuaire traditionnelle, est immédiatement identifiable. Stephan Balkenhol a une signature: le travail du bois, son matériau de prédilection, dont il exhibe les imperfections et nervures.

La figuration contre l’art conceptuel
L’artiste allemand a choisi, dans les années 1980, de se confronter à la matière brute et authentique, d’engager son corps dans la pratique, par opposition à l’art conceptuel. Il n’a cessé d’explorer les nombreuses circonvolutions des arbres, de tenter de dompter la nature et de maîtriser le végétal avec ses outils et compagnons habituels : le maillet et le ciseau. Ses techniques sont immuables: le sculpteur taille ses personnages directement dans les troncs d’arbres.

De la reproductibilité du monde
Ce bois, plein de fissures et de noeuds, Stephan Balkenhol l’aime, le chérit : l’imperfection de la matière demeure visible, malgré l’intervention et le geste artistiques, tout comme l’imperfection des êtres, imperfection à la fois physique et morale, demeure inhérente à la comédie humaine qui se joue ici-bas. Le bois est imparfait, toute copie et toute reproduction, malgré la recherche de fidélité, est imparfaite: ainsi, le sculpteur fusionne fond et forme. Les défauts du bois sont un écho des défauts de l’homme, de l’impossible reproductibilité de la réalité par l’art. Si la taille, les coups ne sont pas gommés, le bois s’efface derrière les couleurs qui viennent se poser sur les corps en devenir. Polychromes, les sculptures revêtent un caractère quasi sacré, injectant du mystique dans le quotidien.

La comédie humaine
Dans ses oeuvres, Stephan Balkenhol privilégie la figuration et représente des anonymes qui, soudainement, accèdent au statut de personnalités éminentes car hissés sur un socle. Chez lui, socle et sculpture interagissent et ne font qu’un : ils sont indissociables, composant ainsi une unité, rappelant le bloc de bois auquel l’artiste s’est confronté dans son entièreté et soulignant la volonté d’ériger les anonymes au rang de célébrités. Tout en étant dans le monumental, l’artiste allemand « démonumentalise » la figure statufiée, redonnant humanité et simplicité à la sculpture.

Une narration secrète
Chez Stephan Balkenhol, on croise des hommes vêtus de chemise blanche et d’un pantalon noir, des femmes dans des robes courtes et de couleur... Sortes de stéréotypes d’une mode standardisée occidentale, ses sculptures constituent une forêt humaine, où se mêlent différents visages, différents protagonistes. Reste à écrire l’histoire : tout est possible.

« Mes sculptures ne racontent pas d’histoires. Il y a quelque chose du secret. Ce n’est pas à moi de le révéler, mais au spectateur de le découvrir », commente l’artiste, qui ne dévoile pas de piste narrative. Dans sa comédie humaine, peuvent se jouer différents actes entre les multiples personnages qui constituent cette foule anonyme. S’il affectionne la figuration et représente hommes et femmes en pied ou en portrait, Stephan Balkenhol a également constitué un bestiaire, se muant en fabuliste et s’appuyant sur les animaux pour dessiner un autre univers narratif.

Art et tradition
Stephan Balkenhol a réintroduit la figuration dans l’art contemporain et questionne la statuaire traditionnelle, mais aussi le geste artistique, célébrant le contact avec la matière et cette dimension physique. Travailler le bois, c’est renouer avec l’origine, la nature et un savoir-faire ancestral, qui fait, dans un même mouvement, penser à l’art médiéval et à l’art folklorique des pays d’Europe de l’est. Une façon de s’inscrire dans l’histoire de l’art et de la commenter, en la détournant et en l’interrogeant... Le sculpteur campe des figures en devenir, de potentiels générateurs d’histoires : à chacun de tisser un lien avec la figure et de la faire parler pour que s’animent ces formes, ces corps, instaurant un improbable dialogue avec le réel réactivé.

Stephan Balkenhol est représenté par les galeries Thaddeus Ropac (Paris), Deweer (Otegem, Belgique), Jochen Hempel (Leipzig, Allemagne) et Löhrl (Mönchengladbach, Allemagne).

LE PORTIQUE CENTRE REGIONAL D'ART CONTEMPORAIN DU HAVRE
30 rue Gabriel Péri, 76600 Le Havre
www.leportique.org