24/07/19

Berthe Morisot @ Musée d'Orsay, Paris

Berthe Morisot (1841-1895)
Musée d'Orsay, Paris
Jusqu'au 22 septembre 2019

Berthe Morisot (1841-1895)
Affiche de l'exposition

Pour la première fois depuis son ouverture en 1986, le musée d’Orsay consacre une exposition à l’une des figures majeures de l’impressionnisme, Berthe Morisot (1841-1895). C'est aussi la première manifestation monographique consacrée à l’artiste par un musée national depuis la rétrospective de 1941 à l’Orangerie.

Née en 1841 dans ce que son ami Renoir qualifiait de « milieu le plus austèrement bourgeois », mais ouvert aux arts, Berthe Morisot affiche très tôt un goût de l’indépendance. Elle s’affranchit d’une pratique amateure, où la peinture est considérée comme un talent d’agrément, et affirme, à rebours des usages de son milieu, l’ambition de travailler en professionnelle. Ainsi, elle expose au Salon, manifestation officielle essentielle pour qui veut faire carrière, place des oeuvres sur le marché et, surtout décide de participer à la première exposition dite impressionniste de 1874. Elle est alors la seule femme à prendre part à cette manifestation et, l’une des rares avec Pissarro, qui restera fidèle à la stratégie de l’indépendance, c’est-à-dire au développement d’une carrière en marge des circuits officiels. Figure centrale du mouvement, elle participe à toutes les expositions du groupe, sauf celle de 1879, affaiblie par la naissance de sa fille Julie. Mariée à l’un des frères d’Edouard Manet, Eugène, Berthe Morisot travaille jusqu’à sa mort prématurée en 1895, laissant un ensemble d’un peu plus de 400 tableaux. Toute sa vie, elle a été au coeur des avant-garde artistiques et littéraires, engageant des échanges artistiques féconds avec Manet, Degas, Renoir, Monet ou Mallarmé pour ne citer que quelques noms.

Cette exposition veut marquer une nouvelle étape dans la diffusion et la connaissance de Berthe Morisot en proposant et suscitant de nouvelles approches, tout en déjouant les clichés d’une peinture « féminine » encore attachés à son oeuvre. Ainsi, le choix a été fait d’explorer une facette essentielle de sa création, les tableaux de figures et les portraits.

Dans l’édition de 1919 de son histoire des peintres impressionnistes, Théodore Duret distinguait les paysagistes et les peintres de figures. Berthe Morisot se range assurément dans cette dernière catégorie, aux côtés de Renoir, Degas ou Cassatt. Sur les 423 peintures répertoriées par le plus récent catalogue raisonné, 69,5 % sont donc consacrées à la figure, qu’il s’agisse de portraits, de scènes d’intérieur ou de plein air avec des personnages. C’est également la part de son oeuvre que l’artiste a choisi de montrer en priorité : de son vivant, on peut estimer qu’elle a exposé quatre-vingt-dix-huit tableaux de figures et portraits, contre trente-six paysages et trois natures mortes.

Pour Berthe Morisot, portraits et tableaux de figures sont autant de scènes de la vie moderne. Peindre d’après modèle lui permet en effet d’explorer plusieurs thématiques de la vie de son temps, telles que l’intimité de la vie bourgeoise de l’époque, le goût de la villégiature et des jardins, l’importance de la mode, le travail domestique féminin, tout en brouillant les frontières entre intérieur/extérieur, privé/public ou fini/non fini. Pour Morisot en effet, la peinture doit s’efforcer de « fixer quelque chose de ce qui passe ». Sujets modernes et rapidité d’exécution ont donc à voir avec la temporalité de la représentation, et l’artiste se confronte inlassablement à l’éphémère et au passage du temps. Ainsi, les dernières oeuvres de Berthe Morisot, aux accents symbolistes, caractérisées par une expressivité et une musicalité nouvelles, invitent à une méditation souvent mélancolique sur ces relations entre l’art et la vie. Souvent réduite à des scènes de la vie quotidienne, ces tableaux de figures et portraits se caractérisent au contraire par ce que la grande historienne de l’art américaine, récemment disparue, Linda Nochlin, appelait de « stimulantes ambiguïtés ». Ces « ambiguïtés », ce mystère, s’expriment tant du point de vue des modèles que des espaces mis en jeu et en scène et d’une technique audacieuse et énergique, qui vise à suggérer plutôt qu’à décrire. C’est à cette exploration qu’invitent l’exposition et le catalogue, à la fois en renouvelant le corpus et en croisant les approches.

Près de la moitié des tableaux réunis sont issus de collections particulières et certains n’ont pas été vus en France depuis plus de cent ans. Le parcours, chronologique et thématique, invite à s’interroger sur les sujets représentés (la mode, la toilette, le travail), qui traduisent en effet le statut de la femme au XIXe siècle, mais aussi sur la technique unique de Berthe Morisot (le plein air, l’intérieur, l’importance des espaces intermédiaires tels fenêtres, le fini). Ses tableaux sont une exploration de l’identité moderne que Berthe Morisot a délibérément voulu ambiguë, en équilibre fragile, à la fois paisible et intranquille, limpide et mystérieuse, mais toujours exigeante et profondément novatrice. L’exposition met ainsi en valeur les choix, la détermination sans faille d’une artiste qui affirmait dès l’âge de vingt-ans ne pouvoir obtenir son indépendance « qu’à force de persévérance et en manifestant très ouvertement l’intention de [s]’émanciper ».

Cette exposition est organisée par les musées d’Orsay et de l’Orangerie, Paris, le Musée des beaux-arts, Québec, la Fondation Barnes, Philadelphie, et le Dallas Museum of Art, Dallas.

Commissaires de l'exposition : Sylvie Patry, conservatrice générale, directrice de la conservation et des collections du musée d'Orsay. 
Nicole R. Myers, The Barbara Thomas Lemmon Senior Curator of European Art au Dallas Museum of Art.
Assistante pour la présentation au musée d’Orsay, Lucile Pierret, chargée d’études documentaires.

Berthe Morisot
Catalogue de l’exposition
Sous la direction de Sylvie Patry
Coédition Musées d’Orsay et de l’Orangerie / Flammarion
304 pages – 22,5 x 30 cm – 200 ill.
ISBN : 978-2-35433-288-4

Sommaire du catalogue de l'exposition

Berthe Morisot aujourd’hui : « ambiguïtés stimulantes »
Sylvie Patry, Conservatrice générale et directrice de la conservation et des collections du musée d’Orsay

La modernité vue de l’intérieur
Anne Higonnet, Ann Witney Olin Professor, Barnard, Columbia University

Peindre la vie moderne
« Mettre une figure en plein air »
Femmes à leur toilette
La « beauté de l’être en toilette »
Fini / non-fini : « Fixer quelque chose de ce qui passe »
Femmes au travail
Fenêtres et seuils
Un atelier à soi
Sylvie Patry, Conservatrice générale et directrice de la conservation et des collections du musée d’Orsay

Une artiste en devenir
Marianne Mathieu, Directrice scientifique du musée Marmottan Monet

Morisot et la femme moderne
Nicole R. Myers, The Barbara Thomas Lemmon Senior Curator of European Art, Dallas Museum of Art

Morisot sur le seuil
Cindy Kang, Conservatrice adjointe à la Fondation Barnes, Philadelphie

Peintre pour peintres
Bill Scott, Peintre et graveur abstrait

Annexes
Chronologie, Amalia Wojciechowski, Doctorante au Bryn Mawr College
Les carnets de Berthe Morisot, Samuel Rodary, Chercheur indépendant en histoire de l’art
Expositions tenues de son vivant et posthume, Liste des oeuvres exposées, Liste des images de comparaison, Bibliographie

MUSEE D'ORSAY
1 rue de la Légion d'Honneur, 75007 Paris
www.musee-orsay.fr