Pas la couleur, Rien que la nuance !
Trompe-l’œil et grisailles de Rubens à Toulouse-Lautrec
Musée des Augustins, Toulouse
15 mars - 15 juin 2008
De la musique avant toute chose,Et pour cela préfère l'ImpairPlus vague et plus soluble dans l'air,Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.Il faut aussi que tu n'ailles pointChoisir tes mots sans quelque méprise :Rien de plus cher que la chanson griseOù l'Indécis au Précis se joint.…Car nous voulons la Nuance encor,Pas la Couleur, rien que la nuance !Oh ! la nuance seule fianceLe rêve au rêve et la flûte au cor !…Paul VERLAINE (1844-1896)(Art Poétique - Recueil : Jadis et naguère)
Pas la couleur, rien que la nuance ! Ce vers de Verlaine illustre merveilleusement l’exposition qui propose de parcourir trois siècles de peinture à la poursuite d’un phénomène très présent dans l’art mais peu connu du grand public : la grisaille, dite aussi camaïeu ou monochrome. À travers une soixantaine
de tableaux, œuvres de la main de peintres célèbres des principales écoles de peinture européenne (Rubens, Boucher, Greuze, Daumier, Carpeaux, Doré, Moreau, Toulouse-Lautrec…), le projet de l’exposition consiste à faire découvrir cette technique à la croisée des arts entre peinture, dessin et décor illusionniste.
Trompe-l’oeil, esquisse de grandes œuvres ou expression libre selon les époques, cet art, souvent réservé à l’intimité des ateliers, offre au visiteur un regard inattendu sur le jardin le plus secret des grands peintres…
Ce sujet d’exposition est pratiquement inédit si l’on excepte Houston en 1973 et Paris en 1980 (musée d’art et d’essai au palais de Tokyo). Il n’a par ailleurs jamais fait l’objet d’une publication : notre catalogue constituera le premier et le seul ouvrage général disponible sur la question, volontairement centré sur la peinture de chevalet entre le XVIe et le XIXe siècle. La diversité des techniques et des styles séduit autant qu’elle instruit, mais suscite avant tout la délectation et la surprise du visiteur face à des œuvres libres, fortes et sensibles, toutes d’une couleur…
Remarques liminaires sur l’exposition, par Axel HémeryLe sujet de l’exposition est la grisaille dans la peinture de chevalet européenne du XVIe au XIXe siècle (il a été choisi de ne pas montrer d’exemples de vitrail, d’enluminure, d’émail ou de gravure en camaïeu). En dépit de ce grand écart historique, technique et stylistique, une partie des raisons pour lesquelles un artiste peignait en grisaille à la Renaissance est encore valable à l’aube du XXe siècle.Les frontières entre la grisaille et le dessin sont parfois fluctuantes. Nous nous en sommes tenus à une définition simple : les œuvres graphiques retenues sont des huiles sur papier, c’est-à-dire des peintures conservées dans des cabinets d’art graphique en raison de leur support.Une exposition résulte d’un compromis entre une liste idéale et le principe de réalité. La difficulté qui se présente, dès lors que l’on veut réunir des grisailles, réside dans leur matérialité même. On y rencontre beaucoup de panneaux fragiles, appartenant parfois à des ensembles de grande taille. Ceci explique le choix d’un début chronologique de l’exposition vers le milieu du XVIe siècle plutôt qu’un demi-siècle avant.À part cette difficulté inhérente au projet, les grandes lignes de l’exposition sont restées constantes. La prépondérance des œuvres conservées dans les très riches collections publiques françaises permettait de couvrir une grande partie du champ. Les quelques emprunts à des collections particulières ou à des institutions européennes apportent des éclairages complémentaires.La limite chronologique finale s’imposait d’elle-même. Le monochrome est l’une des formes artistiques les plus importantes de l’abstraction au XXe siècle. Les peintres abstraits se posent, en partie, les mêmes questions que leurs prédécesseurs. Néanmoins, l’évolution commencée avec la mise au point de la lithographie puis de la photographie s’emballe au XXe siècle et rend toute comparaison malaisée. Il s’agit là d’un domaine différent qui relève des musées d’art moderne et contemporain.Nous avons par ailleurs fait une petite place à une technique un peu en marge de la grisaille, la peinture à la plume employée par les peintres de marine hollandais.Les puristes remarqueront de ci, de là, quelques taches de couleurs sur les tableaux monochromes. Nous n’avons pas voulu être dogmatiques et pratiquer l’exclusion. C’est au peintre de décider ; s’il veut rehausser sa grisaille de quelques notes colorées, il a sans nul doute raison.L’exposition n’avait pas vocation à révéler des inédits. Néanmoins, l’amateur sera ravi de voir des tableaux récemment acquis par les musées français et encore peu connus (le Collin de Vermont de Strasbourg, le Ribot d’Amiens). Deux œuvres sont totalement inédites, le Pietro Sorri d’une collection particulière, identifié par Catherine Monbeig Goguel et l’émouvant Christ mort d’Antoine Dieu découvert par Stéphane Grodée.Axel Hémery, Commissaire de l’expositionConservateur chargé des peintures au musée des Augustins
Trompe-l’œil et grisailles
de Rubens à Toulouse-Lautrec
Catalogue édité par le musée des Augustins
224 p. en quadrichromie.
MUSÉE DES AUGUSTINS
Musée des Beaux-Arts de Toulouse
21 rue de Metz, 31000 Toulouse
Maj 07.12.2021