Pierre Paulin, Elysée Palace
Galerie Jousse Entreprise, Paris
13 mai - 11 juin 2016
D.L.
Galerie Jousse Entreprise
www.jousse-entreprise.com
Galerie Jousse Entreprise, Paris
13 mai - 11 juin 2016
En écho à la rétrospective de Pierre Paulin organisée par le Centre Georges Pompidou, l’exposition « Pierre Paulin, Élysée Palace » à la galerie Jousse Entreprise montre certaines des pièces conçues par le designer pour des salons de l’Élysée à partir de 1969. Elles ont une grande valeur, notamment historique, en cela qu’elles incarnent l’évolution de la société française vers la modernité.
En 1964, une initiative du ministre des Affaires culturelles André Malraux, avec le soutien de Georges Pompidou, devait faire date dans l’histoire du décor officiel en France : la fondation de l’Atelier de Recherche et de Création du Mobilier National, dont la direction fut confiée à Jean Coural. Très rapidement, Pierre Paulin collabora activement avec cette institution. Aussitôt élu président, Georges Pompidou, souhaitant relancer l’industrie du mobilier contemporain, décida de donner l’exemple. À ce propos, Claude Pompidou déclarait lors d’un entretien avec Frédéric Mitterrand, diffusé sur France Culture en 2007 : « Nous voulions faire entrer le mobilier nouveau à l’Élysée. C’était quand même dommage que les gens ne soient pas reçus dans une maison dont les meubles n’étaient pas ceux de l’art contemporain. »
Conseillé par Jean Coural, le couple présidentiel décida de réaménager les appartements privés ainsi que les salons semi-officiels du Palais. Claude et Georges Pompidou, ayant vu les prototypes de Paulin au Mobilier National, furent convaincus. Pierre Paulin intervint sur trois pièces contiguës du rez-de-chaussée : le Salon des tableaux, la Salle à manger et le Fumoir. Entre le fumoir et le couloir, une bibliothèque, constituée de dix- neuf caissons (en altulor teinté en brun) montés en quinconce, compléta l’ensemble. Paulin dut d’abord s’adapter à la volonté du commanditaire de préserver la réversibilité de l’opération. Ne pouvant toucher aux murs, il utilisa des systèmes scénographiques amovibles et autoportants, concevant ces salons comme des tentes, avec des parois et des plafonds tendus de laine grège. Comme il le dit : « J’ai fait des pièces dans les pièces. » Par cette utilisation de techniques spécifiques au montage d’exposition, dont il était un habitué depuis les années 1950, Pierre Paulin introduisit une ambiance novatrice au sein de l’Élysée. On pourrait dire qu’il fit de ces pièces un « Superstand ».
Le mobilier est un vecteur symbolique du pouvoir. « Le style Élysée » est un dialogue intime entre Paulin et la politique. Ce travail fait ainsi partie des moments phares de sa carrière, aussi bien dans le sens théorique que plastique. Pour l’Élysée, Pierre Paulin crée un univers clos, protégé et apaisant, en phase avec sa déclaration : « Je traite du pouvoir de cette époque-là. À chaque fois, le contexte est primordial. » Ce mobilier souple et inventif marie avec grâce la rigueur, l’avant-garde et l’excellence, dans une époque qui célébrait la liberté du corps.
L’exposition à la galerie Jousse Entreprise montre le mobilier imaginé par Pierre Paulin pour l’Elysée, tel que les appliques et le lampadaire grand modèle édités par Verre Lumière et l’ensemble de fauteuils et canapé « Coussins », édité par Alpha International et Mangau, toujours sous la tutelle du Mobilier National.
Ces créations anticipent un design expressif, entre sculptures et pièces fonctionnelles. Cette particularité, certainement due à la formation de Paulin, fait des pièces « Élysée » de véritables oeuvres d’art, tant par leur qualité d’exécution que par leur originalité.
Pierre Paulin (1927-2009), après ses études à l’École Camondo à Paris, entra au bureau d’études de Michel Gascoin. Il devait en retenir les influences scandinaves, ainsi qu’un attachement pour les créations et les théories du Bauhaus. Dès les années 1950, il débuta sa carrière de designer, attentif au travail de Harry Bertoia, Charles Eames et Charlotte Perriand. En 1953, il s’associa à la maison d’édition Thonet, puis à Artifort en 1958. S’affranchissant de ces diverses influences, Pierre Paulin fut reconnu au Japon et aux USA, notamment lors de la sortie du F560 (Mushroom en 1960) et du F582 (Ribbon Chair, créée en 1966, qui entre dans la collection du MoMA), avant de l’être en France. Si Pierre Paulin est ancré dans son époque, il réussit à créer un style intemporel, chaleureux et résolument moderne. Il incarne un esprit de rigueur, d’intégrité et de recherche, sans jamais sacrifier ni l’équilibre ni le confort. Sa vision reste incontournable dans l’histoire du design en France.
D.L.
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