24/03/19

De l’immersion à l’osmose. Chaosmose #2 @ Frac île-de-france, le château / Parc culturel de Rentilly - Michel Chartier

De l’immersion à l’osmose
Chaosmose #2 
Frac île-de-france, le château / Parc culturel de Rentilly - Michel Chartier
17 mars - 21 juillet 2019

Daniel Steegmann Mangrané
Daniel Steegmann Mangrané
Spiral Forest (Kingdom of All the Animals And All the
Beasts Is My Name), 2013 - 2015
Film 16 mm couleur, muet
Durée: 11 min
Collection IAC, Villeurbanne/Rhône-Alpes
© Daniel Steegmann Mangrané

Dove Allouche
Dove Allouche
Désublimation_31, 2016
103 x 152 cm
Collection IAC, Villeurbanne/Rhône-Alpes
© Dove Allouche

Maria Thereza Alves
Maria Thereza Alves
Chanson florale, 2018
Installation sonore, bancs, plantes
Dimensions variables
Courtesy de l’artiste et de la galerie Michel Rein
© Maria Thereza Alves

A partir de la collection de l’Institut d’art contemporain, Villeurbanne / Rhône-Alpes. Avec Dove Allouche, Maria Thereza Alves, Berdaguer & Péjus, Hicham Berrada, Michel Blazy, Ann Veronica Janssens, Joachim Koester, Daniel Steegmann Mangrané, Ana Mendieta, Minot - Gormezano, Dane Mitchell, Nicolas Momein, Giuseppe Penone, Sigmar Polke, Linda Sanchez, Bojan Šarčević
De la perception à la fusion, de l’immersion à l’osmose, cette exposition interroge les bouleversements de notre inscription au monde, que l’on découvre dans un parcours expérimental et sensible fait de nombreux passages entre Terre et cosmos.
En convoquant la notion de « chaosmose »1 , cette exposition reconnaît la multiplicité du monde et des êtres et propose, par le biais du processus immersif, une vision non plus anthropocentrée du monde mais cosmomorphe. En étendant notre perception, les « oeuvres cosmomorphes2 » ne font plus référence au sujet qui les conçoit mais deviennent des captations directes du monde. Sensibles à la co-activité du cosmos où tout est mouvement, elles s’affranchissent des limites entre corps et esprit, corps et espace, humain et non humain.

L’importance accordée à l’expérience - expérience de l’artiste, expérience du visiteur -, introduit ce parcours. Le Cabinet en croissance d’Ann Veronica Janssens traduit ce principe de l’expérience comme leitmotiv. En constante évolution, ce cabinet contient des projets, essais et tests de l’artiste dont les effets viennent troubler et développer la perception. Véritable matière première, l’espace est ici un outil d’expérimentation  perceptuelle. A travers une expérience à la fois mentale et physique, les arbres de Berdaguer & Péjus offrent aux visiteurs une immersion intérieure, tout comme les films envoûtants de Bojan Šarcevic ou de Joachim Koester.
Par le biais de la spatialisation ou de la perte de repère, en immersion tant littérale que symbolique, c’est l’acuité perceptuelle qui est convoquée dans cette première partie de l’exposition, comme pour explorer le réel et cultiver la relation à soi et au monde. Ainsi, Voyage au centre de Michel Blazy nous fait passer de cet espace intérieur vers la matière organique.
Minot - Gormezano
Minot - Gormezano
Antres VI, 1, 10, 20/09/1985
Tirage sur papier baryté au gélatino-argentique
88 x 88 cm
Collection IAC, Villeurbanne/Rhône-Alpes
Photo Yves Bresson/Musée d’art moderne et
contemporain de Saint-Étienne Métropole

Dane Mitchell
Dane Mitchell
Aeromancy (Sketches of Meteorological Phenomena),
2014-2017
Installation, sable, verre
Dimensions variables
Courtesy de l’artiste et Galerie Hopkinson Mossman,
Wellington
© Dane Mitchell

Linda Sanchez
Linda Sanchez
Chronographie de robe de goutte d’eau n°6, 2014
Encre sur papier
92,2 x 298,5 x 3,6 cm
Collection IAC, Villeurbanne/Rhône-Alpes
Photo Blaise Adilon
© Linda Sanchez
De la perception de l’espace à la fusion avec l’environnement, les oeuvres rassemblées dans la deuxième partie du parcours interrogent les limites entre l’humain et le non humain. Avec Spiral Forest, Daniel Steegmann Mangrané fait muter notre perception en la décentrant de nous-même, menant de l’immersion à l’osmose, de la relation à soi vers la relation à la forêt, au cosmos. Sigmar Polke, comme Minot & Gormezano utilisent la photographie pour confondre formes humaines et minérales, alors que Giuseppe Penone s’empare du dessin à grande échelle pour mêler formes humaines et végétales.
Les artistes nous convient ainsi à ré-estimer notre rapport au monde et à la totalité des êtres visibles et invisibles de l’univers. Ils nous enjoignent à voir le monde comme relation, en dehors de toute dichotomie. Le monde cosmomorphe invite alors à entrelacer l’homme à la multiplicité des êtres qui le composent pour leur « redonner la parole », comme Linda Sanchez avec la goutte d’eau, dont elle observe et retranscrit finement la trajectoire.

Dans un univers en continuelle transformation, ces oeuvres-passages sont des outils d’exploration des pulsations du monde, en quête d’une possible continuité entre le proche et le lointain, entre passé, présent, futur.Ainsi, Aeromancy de Dane Mitchell ou les Désublimations de Dove Allouche cherchent à rendre perceptibles l’insaisissable de phénomènes naturels, l’indistinction des éléments et à capter le temps et la matière. Ces artistes expérimentateurs, à l’instar d’Ana Mendieta qui renoue notre corps à la terre, sollicitent  l’imaginaire pour dessiner des relations organiques entre l’Homme et le Cosmos, et tendre vers l’osmose avec notre environnement.

Nathalie Ergino
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1. En résonance au chaosmos de James Joyce (mot-valise créé par Joyce dans Finnegans Wake, 1939) et par extension à la chaosmose de Felix Guattari (1992), et à Cosmogonies au gré des éléments sous le commissariat d’Hélène Guenin, MAMAC Nice, 2018. L’exposition fait acte d’une quête de continuité entre ordre et désordre dans un monde bouleversé par de permanentes mutations. Une première exposition Chaosmose a été présentée à l’Institut d’art contemporain à l’automne 2018, à partir d’une autre sélection d’oeuvres de la collection IAC.

2. Alternative au schéma anthropomorphe qui marque notre civilisation moderne occidentale, la pensée cosmomorphe se représente le monde comme relation, en dehors de toute dichotomie et catégorie. Elle se fonde sur la co-activité qui mobilise chacun des acteurs du cosmos, en décentrant et en élargissant notre perception. Un monde cosmomorphe est conduit par un processus en mouvement continu dont chaque terme est inséparable. Il entrelace ainsi l’homme à la multiplicité des êtres qui le composent, leur redonne la parole et repositionne l’humain comme acteur solidaire du milieu dans lequel il vit.

Commissaire de l’exposition : Nathalie Ergino, directrice de l’IAC, Villeurbanne

Parc culturel de Rentilly - Michel Chartier / frac île-de-france, le château
Domaine de Rentilly, 1 rue de l’étang, 77600 Bussy-Saint-Martin