Rouge. Art et utopie au pays des Soviets
Grand Palais, Paris
20 mars – 1er juillet 2019
GRAND PALAIS, PARIS
www.grandpalais.fr
Grand Palais, Paris
20 mars – 1er juillet 2019
Affiche de l’exposition Rouge, art et utopie au pays des Soviets
Gustav Klucis, reproduction d’après "L'URSS est la brigade de choc
du prolétariat mondial" (affiche) (détail), 1931
© Musée national des Arts de Lettonie, Riga
En 1917, la révolution d’Octobre provoque un bouleversement de l’ordre social dont les répercussions sur la création artistique s’avèrent déterminantes. De nombreux artistes adhèrent au projet communiste et veulent participer par leurs œuvres à l’édification de la société nouvelle. Conduits pour la plupart par d’authentiques convictions, à l’instar de Maïakovski, ces artistes s’opposent dans la définition de ce que doit être l’art du socialisme. Mais dès la fin des années 1920, les débats sont clos par la mise en place du régime stalinien. Celui-ci entraîne l’instauration progressive du réalisme socialiste, doctrine esthétique qui régit peu à peu tous les secteurs de la création. Dans les pays capitalistes, ces débats sont suivis avec attention : de multiples échanges artistiques se nouent avec la jeune Russie soviétique, qui attire intellectuels et artistes curieux de découvrir la « patrie du socialisme ».
Quarante ans après la mythique exposition Paris-Moscou au Centre Pompidou, c’est cette histoire, ses tensions, ses élans comme ses revirements, que relate l’exposition à travers une série d’œuvres majeures prêtées par les grands musées russes et le Centre Pompidou ; une histoire où innovations plastiques et contraintes idéologiques, indissociablement liées, posent la question d’une possible politisation des arts.
L’art dans la vie : le productivisme
La première partie de l’exposition met en exergue les débats qui animent avec vigueur la scène artistique soviétique au lendemain de la révolution et se prolongent durant les années 1920 : que doit être l’art de la nouvelle société socialiste ? Le parcours s’articule autour du projet porté par une large part des avant-gardes : abandonner les formes d’art jugées « bourgeoises » au profit d’un « art de la production » susceptible de participer à la transformation active du mode de vie. Le design, le théâtre, le photomontage et le cinéma s’affirment comme les médiums privilégiés de cette entreprise radicale, autour de figures-clefs comme Gustav Klutsis, Vladimir Maïakovski, Lioubov Popova, Alexandre Rodtchenko ou Varvara Stepanova. L’architecture constructiviste se place au service de la « commande sociale ». Elle invente de nouvelles typologies de bâtiments - clubs ouvriers, habitats collectifs – et rêve de villes idéales.
Cette utopie artistique de fusion de l’art dans la vie est rapidement contrariée par l’hostilité croissante du pouvoir bolchevique vis-à-vis des avant-gardes. Ceux-ci favorisent un art « compréhensible des masses », reflétant les transformations en cours de la société, tandis que sont organisées sur le territoire soviétique de grandes expositions consacrées à l’art révolutionnaire des pays capitalistes, notamment allemand (1924).
La vie rêvée dans l’art : vers le réalisme socialiste
La concentration des pouvoirs entre les mains de Staline, totale en 1929, entraîne la fin du pluralisme défendu jusqu’alors par Trotski ou Boukharine. Alors que la répression s’abat sur l’art de gauche, accusé de « formalisme bourgeois », un consensus s’établit autour de la figuration, considérée comme la plus apte à pénétrer les masses et à leur présenter les modèles du nouvel homme socialiste.
Un groupe d’artistes modernistes, formés à l’école des avant-gardes, joue un rôle central dans la lente définition des fondements picturaux du réalisme socialiste : la Société des peintres de chevalet à Moscou – avec Alexandre Deïneka ou Youri Pimenov - et le Cercle des artistes à Leningrad – Alexandre Samokhvalov ou Alexeï Pakhomov - proposent une peinture monumentale célébrant des héros idéalisés, dont l’exposition rend compte par grandes sections thématiques consacrées notamment au travail ouvrier, au corps et à l’avenir radieux.
Un ensemble spectaculaire d’œuvres sera également consacré à l’architecture stalinienne qui, comme la peinture, se monumentalise : tandis qu’ouvrent à Moscou les premières lignes de métro, aux stations luxueusement décorées, des projets pharaoniques sont conçus pour faire de la ville une capitale mondiale. De fait, Moscou accueille alors de nombreux artistes de l’Internationale communiste, de John Heartfield à Diego Rivera, pour des séjours plus ou moins prolongés.
L’exposition se conclut par une sélection d’œuvres témoignant de l’avènement du dogme réaliste socialiste, à travers des tableaux de facture académique qui mettent en scène la figure mythifiée du chef en recyclant les poncifs de la peinture d’histoire. Entièrement assujetti à l’idéologie, transformé en machine à produire des images, l’art se noie dans un kitsch d’état.
Commissariat : Nicolas Liucci-Goutnikov, conservateur, assisté de Natalia Milovzorova, chargée de recherche au Musée national d’art moderne, Centre Pompidou
Scénographie : Valentina Dodi et Nicolas Groul
GRAND PALAIS, PARIS
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