Impression, soleil levant, l'histoire vraie du chef d'oeuvre de Claude Monet
Musée Marmottan Monet, Paris
Jusqu'au 18 janvier 2015
Claude Monet, Impression, soleil levant, 1872
Huile sur toile - 50 x 65 cm - Musée Marmottan Monet, Paris
© Christian Baraja - Ancienne collection Ernest Hoschedé - Ancienne collection Georges de Bellio
Impression, soleil levant, la toile qui a donné son nom à l’impressionnisme et qui est le fleuron des collections du musée Marmottan Monet, est l’une des peintures les plus célèbres au monde. Cette œuvre n’a pourtant pas fait l’objet d’une étude approfondie jusqu’à ce jour. Au contraire, depuis près de quarante ans, le mystère semble grandir autour du chef-d’œuvre : que représente véritablement le tableau ? Un soleil levant ou un soleil couchant ? Quand fut-il peint ? En 1872 ou en 1873 ? Qu’est-il advenu du tableau à l’issue de la première exposition impressionniste ? Pourquoi a-t-il rejoint, en 1940, les collections du musée Marmottan, un établissement initialement dédié à l’Empire et qui n’abritait alors aucune peinture impressionniste ? Pourquoi à cette date ? Dans quelles circonstances ? Le musée Marmottan Monet répond à ces questions dans cette exposition.
Cette vue du port Havre dans les brumes, signée et datée en bas gauche « Claude Monet 72 », est exposée pour la première fois en 1874 dans les anciens ateliers de Nadar qui accueillent l’exposition de la Société anonyme des peintures, sculpteurs, graveurs. Désignée au livret sous le titre Impression, soleil levant, elle inspire au critique Louis Leroy, du journal satirique Le Charivari, le terme « impressionniste » qui désignera par la suite le groupe d’artistes réuni autour de Monet. Si le terme se diffuse rapidement, l’œuvre et son histoire sont peu à peu oubliées. En mai 1874, le collectionneur Ernest Hoschedé l’acquiert pour 800 francs. Le tableau est revendu quatre ans plus tard, 210 francs dans l’indifférence générale et sous le titre Impression, soleil couchant. Son propriétaire, le docteur Georges de Bellio, le lègue à sa fille Victorine, qui en fait don au musée Marmottan en 1940. Entre 1940 et 1959, l’œuvre apparaît encore dans les inventaires de l’institution – comme dans de nombreux ouvrages – sous le titre Impression ou Impression, soleil couchant. Elle n’y prend le titre d’Impression, soleil levant qu’en 1965. Dix ans plus tard, l’auteur du catalogue raisonné de l’œuvre de Monet, Daniel Wildenstein - faute de documents biographiques retraçant la vie de Monet en 1872, date l’œuvre du printemps 1873, date avérée d’un séjour de Monet en Normandie.
Dans le cadre du 80e anniversaire de l’ouverture du musée Marmottan au public et à l’occasion du 140e anniversaire de la première exposition d’Impression, soleil levant, le musée Marmottan Monet a décidé d’ouvrir l’enquête et d’organiser, du 18 septembre 2014 au 18 janvier 2015, la première exposition jamais dédiée à l’œuvre fondatrice de l’impressionnisme.
Autour d’Impression, soleil levant, l’exposition présente une sélection rigoureuse de vingt-six œuvres de Claude Monet, trente-cinq œuvres d’Eugène Delacroix, Gustave Courbet, Eugène Boudin, Johan Barthold Jongkind, William Turner, Berthe Morisot, Alfred Stevens, Auguste Renoir, Camille Pissarro, Alfred Sisley, des photographies anciennes par Gustave Le Gray, Emile Letellier, ainsi qu’une quarantaine des documents d’époque dont beaucoup sont inédits. Les œuvres proviennent des plus grands musées français (Musée d’Orsay, Paris ; Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Paris ; Musée d’art moderne André Malraux, Le Havre ; Musée des Beaux-Arts de Lille, Musée des Beaux-Arts de Nancy...) et étrangers (National Gallery, Londres ; The Philadelphia Museum of Art, Philadelphie ; Städelsches Kunstinstitut, Francfort- sur-le-Main ; National Museum Wales, Cardiff) et de collections particulières. La bibliothèque nationale, la bibliothèque historique de la ville de Paris, les archives de Paris, la bibliothèque et les archives du Havre se sont également activement associées au projet.
L’exposition retrace l’histoire du tableau. Delacroix, Courbet, Boudin, Jongkind ouvrent le parcours avec une série de marines, de soleils levant et de soleils couchant peints avant 1872. Turner, que Monet découvre à Londres en 1870-71, vient ensuite et permet de mieux appréhender la formation et l’œuvre de Monet au début des années 1870 et la genèse d’Impression, soleil levant. Impression, soleil levant est présenté dans la section suivante qui regroupe un ensemble unique de vues du port du Havre. Citons, le prêt exceptionnel par une collection particulière américaine de l’Avant port du Havre, effet de nuit de Monet, un rarissime nocturne peint à la même date qu’Impression, soleil levant. Les peintures et les documents exposés dans cette section (photographies, plans et documents anciens) ont permis de mener la première étude iconographique d’Impression, soleil levant. Cette approche, conduite par des équipes française et américaine, s’est appuyée sur des données topographiques, météorologiques et astronomiques. Elle a non seulement permis de confirmer quel moment Monet a choisi de peindre : un soleil levant ou un soleil couchant, mais aussi de proposer une datation affinée de l’oeuvre, c’est-à-dire à l’année, au mois et au jour près.
Le parcours se poursuit avec la première exposition impressionniste évoquée à travers deux chefs d’œuvre de Monet présentés aux côtés d’Impression, soleil levant en 1874 : Le Déjeuner (Städel Museum, Francfort-sur-Main) une toile de 232 x 151 cm et Le Boulevard des Capucines (Nelson Atkins Museum, Kansas City). Le livret de l’exposition et l’original du Charivari sont également présentés. Dix-neuf peintures issues des deux seules collections où figura Impression, soleil levant : celle d’Ernest Hoschedé et celle Georges de Bellio continuent le parcours. Chaque œuvre est commentée et resituée par rapport à l’œuvre fondatrice de l’impressionnisme. Des documents rares dont de nombreux inédits illustrent également le propos. Il apparaît ainsi qu’Impression, soleil levant loin d’occuper une place centrale au sein de ces collections fut longtemps oublié et sous estimé.
La dernière partie du parcours révèle une page tout à fait inconnue de l’histoire d’Impression, soleil levant. Les recherches menées à l’occasion de l’exposition on permis de retracer les circonstances de l’entrée du tableau dans les collections du musée Marmottan. Le dépôt de l’œuvre au musée le 1er septembre 1939 pour «risque de guerre», son évacuation à Chambord avec les collections du Louvre où elle est entreposée à l’insu de tous durant six ans, son don au musée Marmottan décidé le 23 mai 1940, quelques jours seulement après le passage des Ardennes par l’armée allemande le 10 mai et le début de l’occupation allemande. L’exposition se termine autour de Soleil couchant sur la Seine à Lavacourt (Paris, Petit Palais) qui illustre la pérennité du thème chez Monet et présente les premiers ouvrages de l’après guerre qui érigèrent Impression, soleil levant au rang d’œuvre fondatrice de l’impressionnisme.
Commissariat de l’exposition : Marianne Mathieu, adjointe au directeur en charge des collections du musée Marmottan Monet Dominique Lobstein, historien de l’art.
Musée Marmottan Monet, Paris