Ugo Rondinone
Galerie Almine Rech, Paris
24 octobre - 28 novembre 1998
La galerie Almine Rech présente une exposition de Ugo Rondinone. On peut rappeler brièvement les oeuvres de cet artiste qui ont été montrées auparavant en France et qui les unes après les autres ont précisé la vision qu’on peut avoir de son oeuvre.
Dans la série des photos intitulées "I don’t live here anymore ",1995 (1), Ugo Rondinone manipule digitalement des photos de femmes représentées dans diverses poses suggestives, remplaçant leurs traits par les siens de façon suffisamment cohérente pour que l’image garde son contenu érotique. En se coulant dans différents corps, il teste le sien, son apparence et pose la question de la réalité. L’artiste ne peut nous proposer que la sienne, artificielle. Si "L’éloge du maquillage" (2) vient à l’esprit en évoquant "I don’t live here anymore",1995, les grands paysages sur papier à l’encre de chine ne contredisent pas ce rapprochement. Faits à partir de petits croquis sur le motif, ces paysages sont recomposés, assemblés, agrandis dans l’atelier, créant avec force détails un paysage inventé, nature transformée. Ce travail, comme les grandes toiles appelées “ cibles “, demande calme et isolement dans l’atelier, à la fois contrainte et plaisir désirés par l’artiste.
La figure du clown, récurrente dans l’oeuvre d’Ugo Rondinone est omniprésente dans "Where do we go from here" (3). Dans cette pièce les clowns d’Ugo Rondinone, personnages ambigus, à la fois réels et fictifs, ayant une double vie, déguisés et maquillés, somnolent, ronflent même par intermittence ! (4) Un parallèle peut s’établir avec l’artiste quand il attend et s’isole, ne se prêtant pas à un rôle d’amuseur, "caricatureur" de la réalité. Par son apparence outrancière, vieillote, "émouvante", le clown est aussi à l’opposé d’une vision pure et "avant-gardiste" de l’art. Par cette image, Ugo Rondinone parle du doute, de l’échec, ouvre la porte d’une polémique quant à des certitudes formelles.
Comme une métaphore de lui-même, les oeuvres d’Ugo Rondinone sont le rythme de sa vie intérieure: détachement, attente, isolement, retour d’énergie vitale, engagement.
Les cibles, tableaux présents depuis le début dans l’oeuvre de l’artiste dont les formats ont changé, évoquent des peintures dans le genre "color-field painting". Leur apparence est séduisante, stimulante par leurs couleurs acidulées, elles semblent décoratives, parodies de peintures abstraites, mais elles ont le magnétisme des dessins bouddhistes ou coraniques, qu’on fixe pour favoriser la méditation, à la fois énergétiques et "planantes"; elles entraînent, si l’on s’y prête, le spectateur dans leur tourbillon.
Les trois installations qui sont montrées à la galerie Almine Rech, regroupent d’une certaine façon les thèmes cités et qui évoluent dans l’oeuvre d’Ugo Rondinone.
(1) Galerie Froment et Putman, 1995.
Migrateurs, ARC,- Commissaire Hans Ulrich Obrist, 1995 (catalogue).
Fenêtre sur cour, Galerie Almine Rech, 1 Avril - 17 Mai 1997 (catalogue).
(2) Charles Beaudelaire, "Curiosités esthétiques".
(3) Centre d’Art Contemporain, Le Consortium, Dijon, 1997.
(4) Le son et la musique ont un rôle important dans les installations d’Ugo Rondinone.
GALERIE ALMINE RECH
24 rue Louise Weiss, 75013 Paris