23/05/11

Ecotone, Exposition au Centre d'Art Contemporain de Carjac, Maison des arts Georges Pompidou

Exposition : Ecotone 
Emmanuelle Castellan, Erik Göngrich, Sylvia Henrich, Stéphane Pichard 
Centre d'Art Contemporain, Carjac
Jusqu'au 5 juin 2011

© STEPHANE PICHARD, Random afternoon, 2010. Courtesy de l’artiste

ECOTONE
Cajarc - Berlin, aller et retour

Un projet entre le Kunstverein Tiergarten / Galerie Nord à Berlin et la Maison des arts Georges Pompidou, à Cajarc dans le cadre du projet de coopération artistique franco-allemand Thermostat dont Ecotone clos le calendrier d'expositions.

Commissaires d'exposition : 
Martine Michard, Cajarc 
Claudia Beelitz et Ralf F. Hartmann, Berlin 

Texte de présentation de la commissaire MARTINE MICHARD, Carjac 

Le texte n'a pas été modifié afin de lui conserver toute sa saveur. Wanafoto précise juste, pour une meilleur compréhension des non connaisseurs des lieux, que la Maison des arts Georges Pompidou (MAGP), comprend le Centre d'art contemporain situé à Carjac même (à une trentaine de kms de Cahors) mais aussi les Maisons Daura, résidences d'artistes, dans le village de Saint-Cirq-Lapopie situé à 20 kms de Carjac (et dont Martine Michard est la directrice). Toutes les infos sont disponibles sur le site web  de la MAGP.

Le projet ECOTONE propose une réfexion sur l’environnement culturel, social et politique de la Maison des arts Georges Pompidou à Cajarc et du Kunstverein Tiergarten à Berlin. Emprunté à la biogéographie, le terme Ecotone (gr. oikos : maison ; tónos : tension) renvoie à une zone dans laquelle deux écosystèmes se superposent et entrent en déséquilibre. Dans cette zone aux règles abrogées et aux antagonismes mouvementés émergent des phénomènes inouïs, transgressifs et inédits.

ECOTONE est l’un des 12 projets qui prend place dans le cadre de la coopération franco-allemande THERMOSTAT et sonde les possibilités de collaboration entre des centres d’art français et des Kunstvereine allemands. Des résidences croisées ont permis à quatre artistes de mener une réfexion intensive dans le contexte d’Ecotone. Chacun d’eux est allé dépister les différences, les connexions ou les confrontations. Ouvrant des perspectives extrêmement hétérogènes, les travaux exposés successivement à Berlin et Cajarc instaurent un dialogue ouvert entre les deux lieux. 

1621 km dont 1469 km sur autoroutes - 15h02 dont 12h43 sur autoroutes. Le projet élaboré entre nos deux centres d’art trouve matière à réfexion dans cette distance. Les artistes d’ECOTONE ont éprouvé et expérimenté les écarts et les similitudes qui, de Moabit aux Maisons Daura, interrogent les états d’une nature dont on peut douter de l’intégrité, comme les projets d’une ville qui convoite la moindre vacuité. 

Dans sa peinture, EMMANUELLE CASTELLAN met le réel à distance, il y a donc peu de référence évidente aux paysages fréquentés, mais sa peinture est cependant toujours une expérience du lieu. L’artiste raconte sa relation aux images, leur oubli, leur insistance, leurs signifances dans des compositions minimales et denses à la fois. Si la photographie sert de base à son travail, Emmanuelle C. ne fait apparaître que des éléments épars, objets, personnages et gestes, en partie avalés par la surface. L’aventure picturale se prolonge de la résidence à l’atelier puis à la galerie d’exposition pour proposer une circulation, des déplacements, des scénarios différents qui permettent de voir autrement la peinture.

D’ ERIK GONGRICH, la légende dira qu’il a glissé sur une fgue en posant le pied à Saint-Cirq-Lapopie et qu’ainsi est né son projet de résidence dans le Lot. De fait, son arrivée à l’automne a coïncidé avec la profusion des récoltes fruitières. Il a glané baies et châtaignes dans les chemins alentour et s’est peaufné une aura de cuisinier - très appréciée de ses co-résidents. Un parfum de confitures a bientôt enveloppé les Maisons Daura. Dans la lignée des traditions culinaires du Quercy, Erik G. aurait pu se contenter de compléter le manuel de recettes d’artistes pour faire œuvre. Il a heureusement poussé plus loin la recherche. Une visite aux archives départementales, puis dans une coopérative en activité, ont engagé son propos vers une enquête anthropologique, puis architecturale. La découverte d’une photographie d’un bâtiment moderne, érigé en 1933 et ayant abrité une coopérative fruitière prospère, a engendré la série de projets de musées dessinés. Le sérieux de la recherche - la ruine d’une économie et le défi touristique - rivalise avec le burlesque d’une situation où la culture serait l’héroïne salvatrice, avec ses 16 musées, dont le probable MNC, Musées des Noix et des Châtaignes. A contre-courant des évidences, Erik G. voit dans la situation contrastée entre les deux contextes, autant de similarités que de différences. 

SYLVIA HENRICH connaît l’attrait pour les sites touristiques, dont elle s’attache le plus souvent à faire valoir l’identité pervertie. C’est au final une réfexion moins spectaculaire sur la perception qui a retenu son intérêt. Elle a collecté des brindilles de vigne vierge qui pousse à profusion et dont les tonalités d’automne enfamment la minéralité austère du village. Sylvia H. a invité des personnes à réaliser deux teintes pour représenter la couleur des feuilles et celle de la tige. Le même motif végétal posé sur ces fonds peints produit un ensemble de déclinaisons colorées qui questionnent dans le même temps la peinture et la photographie. D’une question simple naît toute la complexité d’une vision et la radicalité d’une exploration conceptuelle et sensible du paysage.

STEPHANE PICHARD évoque explicitement les deux territoires où il a résidé à quelques années d’intervalle. La question du point de vue s’est imposée en un contraste révélateur : en contre-plongée sans horizon à Saint-Cirq-Lapopie ; au ras du sol et ouverte sur le ciel à Berlin. Question de géographie et de rythme : le mode de captation lent et régulièrement égrené, chaque jour à la campagne, a connu à Berlin la fulgurance d’une demi-journée. Stéphane P. a ce regard mobile d’un observateur attentif aux détails qui traversent l’écran du réel et lui offrent de sculpter des moments singuliers où le document se tient au bord de basculer dans la fiction. 

Regardés par ces quatre artistes, les deux sites peuvent être considérés comme des enclaves dans le réel. Il résulte de leurs visions, une polyphonie atonale dont l’exposition s’efforce de traduire les lignes de force, les plans lumineux et la résistance à des protocoles normés, trop souvent synonyme d’absence d’échanges et d’humanité. 

Martine Michard 
Février 2011 

MAISON DES ARTS GEORGES POMPIDOU 
CENTRE D’ART CONTEMPORAIN  / CAJARC 
46160 Cajarc