OSSIP ZADKINE
L’instinct de la matière
Musée Zadkine, Paris
28 septembre 2018 - 10 février 2019
« C’est l’instinct qui prime d’abord ; c’est le plus important ; tout le reste vient plus tard ; alors on s’arme d’une logique qui pénètre chaque geste. »Ossip Zadkine,Entretien avec Jacques Charles, 16 septembre 1966
Le musée Zadkine rend un hommage inédit à l’artiste en soulignant sa place aussi originale que singulière au sein des modernismes du XXe siècle. L’exposition Ossip Zadkine, l’instinct de la matière met en lumière, à l’occasion du 130e anniversaire de l’artiste, son lien organique à la matière.
Après lexposition Être Pierre en 2017, poursuivant l’exploration des matérialités créatrices, le musée fait pénétrer le visiteur dans l’intimité du dialogue d'Ossip Zadkine avec les différents matériaux qui sont à ses yeux des « puissances formelles ». Pour l’artiste russe (Vitebsk 1888 – Paris 1967), la matière est toujours « première ». Il sait, il sent qu’elle est porteuse d’une vocation formelle. L’exposition retrouve ce lien intime à la matière primordiale, aux formes en gestation : les veines et les nodosités du bois, la densité et les particules de la roche, la fluidité de l’encre ou de la gouache…
« Inductives», les matières sont riches d’une dynamique, d’une poussée que le geste du tailleur ou la main du dessinateur doit capter en retour. « Du dialogue avec la matière nait le geste de l’homme », confiait Ossip Zadkine à Pierre Cabane (Arts, 1960). L’authenticité de la création plastique passe par ce rapport instinctif avec la matière que Zadkine n’aura de cesse d’éprouver.
Le musée bénéficie à cette occasion de prêts exceptionnels comme Le Fauve du Musée de Grenoble, une très belle série d’oeuvres graphiques prêtées par le musée d’Art moderne de la Ville de Paris ou L’Odalisque, pièce majeure du musée Réattu en Arles. Le visiteur découvre l’oeuvre de Zadkine dans un parcours enrichi, avec une scénographie dictée par la résonance même du propos. L’introduction d’oeuvres sur papier permet notamment de retrouver le mode de présentation adopté par l’artiste de son vivant et de dépasser l’image d’une oeuvre identifiée à la seule sculpture. Cette approche souligne la richesse plastique et la force intérieure d’une création attachée à préserver la nécessité vitale du lien de l’homme à la nature.
Ossip Zadkine : Matière Source
La section initiale rassemble certaines tailles directes «nées de la plongée dans les eaux régénératrices de l’archaïsme » pour reprendre les termes mêmes de Zadkine. Ainsi sont présentées dans cette partie des oeuvres majeures des années 1910 à 1925 : des marbres – Maternité, 1919 ; Léda, 1919-1920 –, des pierres – Tête héroïque, 1910 ; Tête aux yeux de plomb, 1918 –, des bois – Le Prophète, 1914 ; Les Vendanges, 1918 ; Torse d’éphèbe, 1922 ; Porteuse d’eau, 1923…
Mi- figures mi- arbres ou pierres, ces sculptures sont confrontées à une sélection de dessins à la plume des années 1913-14 et de gouaches des années 1920, peintes sur papier. Si la création graphique d'Ossip Zadkine revêt un caractère certain d’autonomie, elle participe néanmoins du même mouvement que la sculpture. Une étroite et indéniable coïncidence unit ce qu’il peint à ce qu’il taille.
Ces dessins retranscrivent le principe de « la forme dans la forme » et de l’emboitement prégnants dans l’oeuvre de Zadkine.
Ossip Zadkine : Richesse Plastique
Montrant les capacités métamorphiques de la matière, la deuxième partie de l’exposition met l’accent sur la matière transformée, l’assemblage, l’incorporation et l’incrustation de matériaux. Cette section souligne également le lien étroit que la sculpture de Zadkine a pu entretenir avec les arts décoratifs, aussi bien par la relation très fructueuse que l’artiste noue dès 1920 avec André De Ridder (fondateur de la revue belge Sélection) que par sa collaboration avec les décorateurs André Groult ou Eileen Gray, à laquelle appartenait Tête de Femme, 1924 incrustée de marbre et rehaussée de couleurs. Sous l’inspiration d’un primitivisme aux multiples sources et après un bref passage par le cubisme, Ossip Zadkine renoue avec le caractère spirituel de la sculpture, la charge rituelle de l’ornementation et de la coloration dans la sculpture moderne. En ce sens, les bois dorés à la feuille du Fauve, 1920-1921 ou de la Tête d’homme, 1922 et le plâtre de L’Oiseau d’or, 1924 ne ressortissent ni de l‘enjolivement ni de l’accessoire mais de la richesse plastique. La parure de l’or est une seconde peau, un épiderme étincelant comme un simulacre de la chair lumineuse et imputrescible des dieux.
Ossip Zadkine : L’Atelier intérieur
Coque de la vie intime, l’atelier de Zadkine préside à la jonction de l’intériorité sensible, psychique, fantasmatique et de l’extériorité - le monde du dehors auquel sont destinées les oeuvres. Différentes thématiques qui traversent l’oeuvre de Zadkine sont ainsi évoquées, des femmes à l’oiseau aux figures mythologiques récurrentes : Orphée, 1930-61, Prométhée, 1955-1956 ou L’Odalisque, 1932, pièce majeure prêtée pour la première fois par le musée Réattu en Arles. Dans cet atelier intérieur, l’artiste se confronte aux différents matériaux et à leur dynamique intrinsèque. Il expérimente physiquement les pratiques et les savoir-faire du sculpteur, qui transparaissent dans la représentation de l’artiste par lui-même. Son image est ainsi évoquée à travers des œuvres comme Le Sculpteur, 1922-1949, manifeste et magnifique autoportrait ou encore l’Auto-portrait testamentaire et inquiétant, 1960.
COMMISSARIAT SCIENTIFIQUE
Noëlle Chabert, directrice du musée Zadkine, conservateur général du patrimoine
Jérôme Godeau, commissaire d’exposition
Assistante d’exposition : Adélaïde Lacotte, doctorante
CATALOGUE
L’instinct de la matière
Catalogue d'exposition
Edité par Paris Musées, 2018
ISBN 978-2-7596-0415-9
176 pages, relié, 17 x 24 cm, 108 illustrations
Un catalogue de référence accompagne l’exposition. Edité par Paris Musées, centré sur l’oeuvre d’Ossip Zadkine et son rapport singulier à la matière, l’ouvrage comprend une centaine d’illustrations et plusieurs articles scientifiques, points de vue croisés de philosophes, d’historiens de l’art engagés dans l’art moderne et contemporain. Matérialité (Antonia Soulez), monumentalité (Dominique Viéville) et matière–peau (Jérôme Godeau), font partie des sujets questionnés dans des contributions qui renouvellent en profondeur l’approche de l’artiste.
Sous la direction de Noëlle Chabert, conservateur général du patrimoine, directrice du musée Zadkine.
En collaboration avec Jérôme Godeau, historien de l’art
Auteurs :
Stéphane Carrayrou (critique d’art et commissaire d’exposition),
Noëlle Chabert (conservateur général du patrimoine, directrice du musée Zadkine),
Serge Fauchereau (historien de l’art et écrivain),
Véronique Gautherin (adjointe à la directrice du musée Zadkine, responsable des collections du musée Zadkine),
Jérôme Godeau (historien de l’art),
Antonia Soulez (professeur émérite de philosophie du langage, Université de Paris 8),
Dominique Viéville (conservateur général honoraire, ancien directeur du musée Rodin).
MUSÉE ZADKINE
100bis rue d'Assas, 75006 Paris