Brassaï / Picasso
Conversations avec la lumière
Musée Picasso, Paris
2 février - 1er mai 2000
Prenant place dans le cycle d’expositions que le musée Picasso consacre, depuis 1994, aux relations que le peintre entretenait avec la photographie, cette exposition s’intéresse à sa collaboration avec Brassaï (1899-1984). Grâce à des enrichissements récents des collections du musée, elle présente pour la première fois un ensemble significatif de leur travail commun autour de deux grands thèmes : les photographies de sculptures et les diverses utilisations de la technique du cliché-verre.
Brassaï et Picasso se rencontrent en 1932 par l’intermédiaire de Tériade, qui commande pour le premier numéro de la revue Minotaure une série de vues de l’atelier, rue La Boétie, et des récentes sculptures en plâtre réalisées par Picasso à Boisgeloup. Par la suite, de 1943 à 1946, c’est l’ensemble de l’œuvre sculpté que Brassaï photographie pour Les Sculptures de Picasso, 1949, publié aux éditions du Chêne, avec une préface de Daniel-Henry Kahnweiler. Entre 1932 et 1946, Brassaï photographie donc de manière systématique l’œuvre sculpté de Picasso, alors à peu près inconnu. A cette occasion s’engage entre les deux artistes un dialogue sur les natures respectives de la photographie et de la sculpture. Conversations avec Picasso, publié par Brassaï en 1964, a rendu célèbre les détours et les rebondissements de ce dialogue.
En 1996, le musée Picasso acquiert la totalité du fonds photographique de Brassaï traitant de la vie et de l’œuvre de Picasso. L’ensemble constitue la plus riche collection publique consacrée au photographe, avec plus de 440 images. L’exposition en présente 150, en grande partie inédites, autour de petites séquences qui les associent aux plâtres, bois, bronzes ou papiers déchirés de Picasso. Par le changement du point de vue, du cadrage ou de l’éclairage, Brassaï propose ici ce qui serait son « manifeste » de la photographie de sculpture.
Un soir de décembre 1932, Brassaï oublie une petite plaque photographique vierge dans l’atelier, rue La Boétie. Picasso s’en empare et y grave un portrait de Marie-Thérèse. L’épisode est décisif pour Brassaï, qui écrira plus tard à Picasso : « C’est vous qui avez réveillé en moi le démon du dessin » (lettre du 15 mai 1945, archives Picasso, Paris). Par la suite chacun des deux artistes va expérimenter à sa manière la technique du cliché-verre.
Ce travail de tirage d’épreuves photographiques à partir d’une plaque de verre peinte (Picasso) ou d’une plaque photographique gravée (Brassaï) allie les potentialités de la photographie, de la gravure et du dessin. En 1934-1935, Brassaï réalise plus de 150 « grattages » à partir d’une trentaine de négatifs de « nus » datant des années 1931-1935. L’exposition présente les différents états de ces « grattages » : « La photographie s’est parfois volatilisée. Parfois quelques débris en ont survécu ; un bout de sein frémissant, un visage en raccourci, une cuisse, un bras. » (Brassaï, Transmutations). A son tour Picasso développe encore l’expérience en 1936-1937, par une série de quatre grands clichés verre peints à l’huile dont il tire une vingtaine d’épreuves, superposant aux plaques de verre des papiers découpés, des pièces de tissus ou des objets.
Grâce à la dation Dora Maar, l’ensemble des plaques et des tirages de Picasso est récemment entré dans les collections du musée Picasso. Il était resté inédit, hors quatre reproductions publiées dans Cahiers d’art en 1937. De son côté, Brassaï avait publié en 1967 douze images de ses recherches de 1934-1935, sous le titre de Transmutations. Les quelque 60 épreuves et les 26 négatifs originaux présentés ici permettent de mesurer l’intérêt des résultats obtenus par le photographe.
L’exposition s’enrichit encore des planches-contact de travail de Brassaï, souvent annotées et rehaussées, de pièces d’archive, d’ouvrages, de dessins et de dédicaces qui forment les jalons de l’exceptionnelle collaboration de Brassaï et Picasso.
Célébrant le centenaire de la naissance de Brassaï (9 septembre 1899), l’exposition révèle pour Brassaï comme pour Picasso un aspect de leur œuvre tenu secret et dont la dynamique dépend pour l’essentiel de leur fascination commune pour la photographie et la sculpture, le dessin et la photographie. De ces techniques, ils font des univers. Les interrogeant sans relâche, chacun d’eux en réinvente les formes de manière décisive. A un moment où la recherche se porte sur les ressorts de la création au XXe siècle, il a paru utile de reconstituer le fil ténu de ce dialogue où Brassaï et Picasso se tentent, se défient et se répondent dans le langage de la photographie.
Commissariat : Anne Baldassari, conservateur au musée Picasso
Publications : catalogue, 344 pages, 320 illustrations en couleur, 385 F (58,69€) ; Petit Journal, 16 pages, 15 F, éditions RMN
Musée national Picasso
Hôtel Salé - 5, rue de Thorigny - 75003 Paris