Henri Matisse
Figure Couleur Espace
Fondation Beyeler, Riehen / Bâle
19 mars – 9 juillet 2006
Henri Matisse est un artiste tout à fait actuel : ce pionnier du modernisme qui, dans ses compositions chromatiques et formelles, a exploré les possibilités de la figuration et en quelque sorte, de l’abstraction jusqu’à leurs limites extrêmes, n’hésitant pas à les dépasser parfois, n’a jamais cessé d’exercer une influence majeure. La Fondation Beyeler consacre à son œuvre, dont les nombreuses ruptures n’empêchent pas de retracer la constante évolution, la première vaste exposition à caractère rétrospectif organisée en Suisse depuis plus de 20 ans. Elle présente environ 160 peintures, sculptures, dessins et estampes couvrant toutes les périodes de création de cet artiste.
Cette exposition prend pour thème un phénomène aussi révolutionnaire que fascinant chez Matisse, celui de la pénétration et la redéfinition de l’espace de représentation par la figure et la couleur, qui finissent du reste par en triompher. Les tableaux montrent pour la plupart des figures de femmes dans un intérieur, dont la vue s’ouvre sur l’extérieur par une fenêtre ou une porte. Figure, espace intérieur et espace extérieur, représentés par des couleurs et des surfaces colorées différentes, donnent naissance à une sorte de « protocole expérimental », que Matisse n’a cessé de reprendre toute sa vie durant.
L’exposition s’ouvre sur les intérieurs paisibles des années 1890, qui exhalent une paix singulière et dont le coloris foncé est encore inféodé à la tradition du XIXe siècle. La phase fauviste de Matisse, qui commence en 1905, marque une transformation radicale : les couleurs semblent littéralement exploser, malgré l’ordonnancement toujours paisible des objets représentés. Dans les années qui précèdent la Première Guerre mondiale, la réputation d’avant-gardiste de Matisse s’affirme. Ses tableaux privilégient alors les grandes surfaces et cèdent à davantage d’abstraction tandis que ses motifs gagnent en audace. C’est à cette époque qu’à la demande des collectionneurs russes Chtchoukine et Morosov, il crée les célèbres compositions telles que La Danse ou La Musique. Au cours de la Première Guerre mondiale, la couleur semble disparaître à nouveau de ses compositions, qui deviennent radicalement géométriques. On peut voir dans cette évolution une réaction aux événements politiques de l’époque. La période qui suit, celle des années 1920 à Nice, est celle du « retour » souvent incompris de Matisse aux sujets pleins de grâce et de simplicité apparente des odalisques. On l’interprétera plus justement comme une forme de libération par rapport à l’abstraction qui avait conduit l’artiste, de son propre aveu, dans une sorte d’impasse.
Dans la seconde moitié de sa vie surtout, l’art de Matisse est étroitement lié aux modèles qu’il peint et qui l’intéressent moins en tant que personnalités que pour la fonction figurative qu’ils occupent dans l’espace. Il convient d’accorder ici une place toute particulière à Lydia Delectorskaya, qui fut, dans les années 1930, son modèle favori, son assistante et peut-être sa maîtresse. Sa présence et son rayonnement charnels, qui inspirent beaucoup Matisse et qu’il a immortalisés dans de nombreux tableaux fréquemment remaniés, le conduisent à réduire de plus en plus son « protocole expérimental » de la figure, de la couleur et de l’espace à un système de signes, dont l’aboutissement sera les grandioses gouaches
Découpées de la fin de sa vie. L’œuvre et l’existence artistique de Matisse, dont cette exposition offre un témoignage exemplaire, ne sont donc pas dénués de ruptures, d’impasses et de revirements ; mais cette évolution en direction de la « décoration » dont Matisse aspirait à faire une forme artistique accomplie ne manque pas de cohérence, et la présentation qu’en propose la Fondation Beyeler ne peut que combler les spectateurs.
Pour cette exposition exceptionnelle, la Fondation Beyeler a réussi à rassembler un grand nombre de prêts provenant de musées américains et européens. Nous pouvons citer ainsi le
Centre Georges Pompidou de Paris, le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, le Tate, la Städtische Galerie im Städelschen Kunstinstitut de Francfort-sur-le-Main, la Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen de Düsseldorf, le Stedelijk Museum d’Amsterdam, le Statens Museum for Kunst de Copenhague, le Moderna Museet de Stockholm, le Museum of Modern Art de New York, le Metropolitan Museum of Art de New York, le Baltimore Museum of Art, le Philadelphia Museum of Art, la National Gallery of Art de Washington, le Hirshhorn Museum and Sculpture Garden de Washington, le Musée National de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg ainsi que le Kunstmuseum de Bâle, le Kunsthaus de Zurich et le Kunstmuseum de Berne.
De nombreux collectionneurs et institutions privés, dont la Pierre and Maria-Gaetana Matisse Foundation Collection de New York et la Collection Maeght de Paris, ont également accepté de se séparer de leurs précieuses œuvres pendant la durée de l’exposition.
Cette exposition a vu le jour en collaboration avec K20 Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen de Düsseldorf. Pour la Fondation Beyeler, le commissaire en est Christoph Vitali, assisté d’Ulf Küster et de Philippe Büttner.
Le catalogue a été publié chez Hatje Cantz Verlag, Ostfildern Ruit, en allemand et en français. Il propose des articles de Philippe Büttner, Isabelle Monod-Fontaine, Ulf Küster, ainsi qu’une importante partie de planches. Ce volume comprend 200 pages avec 135 illustrations en couleur. La version anglaise du catalogue est reprise de celui de l’exposition de Düsseldorf.
FONDATION BEYELER
Baselstrasse 101, 4125 Riehen/Basel
www.beyeler.com