Douglas Gordon: Paradise
Dvir Gallery, Bruxelles
Jusqu'au 27 mars 2021
Paradise est la troisième exposition personnelle de Douglas Gordon avec la galerie Dvir et sa première à Bruxelles. Elle se déploie à travers une installation rythmée et dynamique de nouvelles peintures. L’artiste y continue son expérimentation sur et avec les images, les signes visuels et leur support matériel, imaginant ainsi des apparitions physiques extensibles qui défilent dans l’espace et en temps réel.
A l’aide de la technique de l’impression à l’acétone, Douglas Gordon transfère des images provocantes des premiers numéros du magazine Playboy des années 1960 sur des toiles asymétriques et de différentes tailles. Elles sont ensuite brûlées et marquées par des gouttes de cire, de peinture acrylique et de divers liquides biomorphiques. Les transferts atténuent la résolution et la définition des images au point qu’elles deviennent un voile presque imperceptible. Les images s’évaporent ainsi à travers les fils entrelacés de la toile qui à la fois les consume et les matérialise. Cette nouvelle série, par l’apparition et la disparition successive des images, confronte le mouvement cyclique du temps avec un sentiment de changement et d’extension, induit par les contours flous et les positions aléatoires des toiles.
Une topographie imprévisible s’intensifie lors de l’observation des panneaux de miroir contre lesquels les toiles sont placées. Dans la majorité des œuvres, on remarque des fragments de miroir outrepassant les bords effilés de la toile ou encore les trous du tissus. Incorporés dans la composition des œuvres, les miroirs exposent l’arrière des images et reflètent ainsi le paysage dynamique qui leur fait face. Les miroirs dévoilent le vide caché dans les œuvres ; le vide dont elles émergent et dans lequel elles risquent de s’effondrer. Ils créent l’illusion d’un espace abyssal au-delà de la surface, assignant ainsi aux images la qualité d’une origine ex-nihilo et primitive. De plus, étant l’effet d’un transfert direct et simultané d’une image sur une surface, les nouvelles peintures de Gordon font inévitablement référence à la légende du voile de Sainte Véronique - l’empreinte miraculeuse du visage du Christ sur un tissu, révélant ainsi leur affinité avec les modèles archétypiques et originels de la création d’images.
L’emploi des miroirs et du feu est un motif récurrent dans de nombreuses œuvres de Douglas Gordon, comme dans la série Self Portrait of You + Me (commencée en 2007). Dans ce corpus d’œuvres, des restes brûlés des sérigraphies d’Andy Warhol de Marylin Monroe ou encore de Jackie Kennedy sont fixés sur des panneaux de miroir. Elles capturent temporairement le portrait du spectateur dans un processus séquentiel d’analogie et d’élimination. Dans Paradise, l’artiste emploi pour la première fois des panneaux de miroir de couleur noir en guise de toile de fond de certaines œuvres. Les miroirs noirs de Gordon peuvent faire référence au miroir de Claude Lorrain (un dispositif optique utilisé par les peintres pendant des siècles), à des rituels de divination ésotérique, ou encore aux écrans sombres réfléchissants des appareils de communication numérique qui nous entourent aujourd’hui.
L’intérêt de Gordon pour les archives culturelles recouvre non seulement le champ des mémoires collectives mais exploite aussi les entités historiques comme des aspects de sa propre biographie et de sa pratique artistique. Paradise, en faisant référence aux magazines Playboy du début des années 1960, nous renvoie à l’époque de la révolution sexuelle et cherche également à examiner la portée de l’imagerie érotique et ce, dans les années précédant la naissance de l’artiste. Il imagine ainsi le climat sexuel dans lequel ses parents vivaient. Le nouveau corpus d’œuvres rappelle l’installation sonore de Gordon de 1994, Something Between my Mouth and Your Ear, qui consiste en une pièce bleue close dont la luminosité change en fonction de l’heure de la journée et de l’intensité de lumière à l’extérieur. La bande originale de l’œuvre est une sélection de trente chansons répertoriées dans les hit-parade entre janvier et septembre 1966 : des chansons que la mère de Gordon aurait pu écouter pendant sa grossesse. C’est la playlist spéculative du temps passé dans le ventre de sa mère tout comme Paradise est l’image érotique spéculative de l’époque antérieure à sa naissance.
La notion d’internalisation rétroactive / future du monde extérieur se manifeste également dans les titres des nouveaux tableaux. Chacune des œuvres de l’exposition Paradise est intitulée Belongs to... (“Appartient à ...”). Lorsqu’elle est vendue, les points de suspension sont remplacés par le nom de l’acquéreur qui devient alors une partie intégrante de l’œuvre. Ainsi, les œuvres deviennent des expériences personnifiées, qui, à l’instar des numéros originaux de Playboy, établissent un lien unique avec chaque collectionneur.
Ory Dessau
DOUGLAS GORDON (né en 1966 à Glasgow) a eu d’importantes expositions personnelles à la Tate Liverpool (2000), Museum of Contemporary Art, Los Angeles (2001), The Hayward Gallery, London (2002) et au Van Abbemuseum, Eindhoven (2003). En 2005, il a organisé The Vanity of Allegory, une exposition au Deutsche Guggenheim, Berlin et a réalisé son film Zidane: A 21st Century Portrait. Parmi ses expositions personnelles, nous pouvons citer Superhumanatural à la National Gallery of Scotland (2006), Between Darkness and Light au Kunstmuseum Wolfsburg, Wolfsburg (2007), Timeline au MoMA, New York (2006), Lambert Collection, et au Palais des Papes, Avignon (2008), DOX, Prague (2009), Galerie Eva Presenhuber, Zürich (2009), Dvir Gallery, Tel Aviv (2009), et Art and the Sublime à la TATE Britain, London (2010), Gagosian Gallery, London (2011), Yvon Lambert, Paris (2011), MMK, Frankfurt (2011) et au MOCA, Los Angeles (2012). Son travail Henry Rebel a été montré à la 43ème Basel Art Unlimited, Basel. En 2012, il a eu deux expositions personnelles à l’Akademie der Künste, Berlin et à Gagosian Gallery, New York. En 2013 au Tel Aviv Museum of Art, Tel Aviv et Blain Southern, Berlin, Galerie Eva Presenhuber à Zürich et au Museum Folkwang, Essen. En 2014 au ACCA, Melbourne. Au mois de décembre 2014, Douglas Gordon et la pianiste Hélène Grimaud ont collaboré ensemble pour explorer la beauté de l’eau dans une performance à Armory on Park à New York. Leur collaboration s’est poursuivie lorsque Gordon a dirigé le spectacle de théâtre Neck of the Woods avec Charlotte Rampling et Hélène Grimaud au MIF 2015 - Manchester International Festival, Manchester. En 2016, Douglas Gordon a sorti son film I had nowhere to go, un portrait de Jonas Mekas, le parrain du cinéma d’avant-garde américain. Il a eu des expositions personnelles en 2016 avec la Galerie Eva Presenhuber à Zurich, Gagosian Gallery à Genève et dans le cadre de Paris Photo. En 2017, Gordon a présenté I had nowhere to go à la Documenta 14 à Athens et Kassel et a eu une exposition personnelle à la Scottish National Portrait Gallery à Edinburgh.
DVIR GALLERY
Rue de Fiennes 85, Brussels 1070
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