Kandinsky
Musée Guggenheim Bilbao
Jusqu'au 23 mai 2021
Le Musée Guggenheim Bilbao présente Kandinsky, une exposition exhaustive de peintures et d’oeuvres sur papier de l’artiste VASILY KANDINSKY (Moscou 1866 – Neuilly-sur-Seine 1944) issue principalement des collections de la Fondation Solomon R. Guggenheim. Avec le soutien de la Fondation BBVA, l’exposition retrace l’évolution esthétique d’un pionnier de l’abstraction et d’un théoricien de l’esthétique de premier plan. Dans sa volonté de libérer la peinture de ses liens avec le monde “naturel”, Kandinsky devait découvrir un nouveau type de sujet exclusivement fondé sur la “nécessité intérieure” de l’artiste, une préoccupation majeure qui l’accompagna tout le long de sa vie.
C’est à Munich dans les années 1900 et au début des années 1910 que Kandinsky commença à explorer les possibilités expressives de la couleur et de la composition, mais il se vit contraint de quitter précipitamment l’Allemagne lors du déclenchement la Première guerre mondiale en 1914. Il revint alors à Moscou, sa ville natale, et son vocabulaire pictural commença alors à se faire l’écho des expérimentations utopiques de l’avant-garde russe dont les recherches se concentraient sur les formes géométriques en vue d’élaborer un langage esthétique universel. Par la suite, Kandinsky devait rejoindre le Bauhaus, une école allemande d’art et de design appliqué avec laquelle il partageait la conviction que l’art a le pouvoir de transformer l’individu et la société. Forcé de quitter l’Allemagne lors de la fermeture du Bauhaus sous la pression nazie en 1933, Kandinsky s’installa près de Paris où le surréalisme et les sciences naturelles influencèrent le développement d’une iconographie biomorphique dans ses oeuvres.
Plus qu’aucun autre artiste, Kandinsky est inextricablement lié à l’histoire de la Fondation Guggenheim, créée en New York en 1937. En 1929, l’industriel et fondateur du Musée, Solomon R. Guggenheim, commença à collectionner les oeuvres de Kandinsky, dont il fera la connaissance une année plus tard au Bauhaus de Dessau. Parcourant les étapes-clés de son développement artistique en quatre sections géographiques qui se déroulent tout au long de trois salles, cette exposition illustre l’évolution complète de sa trajectoire.
Les débuts : Munich
Kandinsky passe son enfance entre sa ville natale, Moscou, et Odessa (actuellement en Ukraine), au sein d’une famille qui encourage l’amour de l’art et de la musique. Il étudie le droit et l’économie, mais en 1895, il décide de changer de cap et devient l’un des responsables de la société moscovite d’arts graphiques Kushnerev. Uneannée plus tard, inspiré par une exposition d’impressionnistes français et par l’opéra Lohengrin de Richard Wagner, il se rend à Munich pour se consacrer à l’art. Les souvenirs de la Russie, des meubles décorés de couleurs vives ou des icônes chez les paysans, ainsi que l’historicisme romantique, la poésie lyrique, le folklore et la fantaisie, alimentent alors ses premières oeuvres.
Entre 1904 et 1907, Kandinsky et sa compagne, l’artiste allemande Gabriele Münter, voyagent dans toute l’Europe et en Afrique du Nord avant de revenir s’installer à nouveau à Munich en 1908. Les paysages multicolores bavarois que peint Kandinsky en 1908–09 présentent des éléments de composition liés à la gravure, comme les formes clairement tracées ou la perspective aplatie. Ces tableaux sont sensiblement différents de ses exercices néo-impressionnistes précédents, réalisés à base de légères touches de couleur. A partir de 1909, Kandinsky adopte un style toujours plus expressionniste. S’éloignant de la représentation de scènes naturelles, il se tourne vers la peinture d’histoires apocalyptiques. Quelques-uns des motifs récurrents de son travail, comme le cheval et le cavalier, symbolisent sa croisade contre les valeurs esthétiques conventionnelles et sa quête d’un futur plus spirituel au travers du pouvoir transformateur de l’art. Dans son combat contre les règles de la figuration, Kandinsky est convaincu que la couleur, la forme et la ligne peuvent traduire la “nécessité intérieure” de l’artiste en affirmations universellement compréhensibles et ainsi offrir une vision régénératrice du futur.
Pendant son séjour à Munich, Kandinsky dirige les principaux groupes de l’avant-garde de la ville, comme Phalanx (la Phalange) et la Neue Künstlervereinigung München (Nouvelle association d’artistes de Munich). Il publie plusieurs traités fondamentaux dont Du spirituel dans l’art. En 1911, il fonde avec Franz Marc Der Blaue Reiter (le Cavalier bleu), une société hétérogène d’artistes qui s’intéressent au potentiel expressif de la couleur et à la résonance symbolique (souvent spirituelle) de la forme.
En 1913, les thèmes récurrents dans son œuvre, comme le cheval et le cavalier, les collines ondulées, les tours et les arbres, passent sous l’empire de la ligne et de la couleur. Au fur et à mesure que leurs contours calligraphiques et leurs formes rythmiques perdent peu à peu toute trace de leur origine figurative, Kandinsky commence à cultiver l’abstraction et à formuler ce qu’il appelle “la puissance insoupçonnée de la palette”.
Domaines cosmiques : de la Russie au Bauhaus
Lorsque la Première guerre mondiale éclate en 1914, Kandinsky se voit contraint de quitter l’Allemagne en raison de sa nationalité russe. Il revient à Moscou, sa ville natale, où l’avant-garde tâtonne en cherchant à formuler un langage esthétique universel au moyen de formes géométriques. Après avoir rompu avec Gabriele Münter et d’autres artistes allemands, Kandinsky observe les expérimentations de ses contemporains russes, mais se rend compte que leur démarche objective et matérialiste de ces derniers ne correspond pas à sa propre quête artistique de spiritualité.
En 1922, Kandinsky retourne en Allemagne avec sa femme, Nina, et commence à enseigner au Bauhaus, l’école d’art et de design appliqué fondée par l’architecte Walter Gropius et financée par l’État. Kandinsky y découvre une atmosphère favorable à sa conviction que l’art peut métamorphoser l’individu et la société. Il poursuit ses recherches sur la correspondance entre la couleur et la forme et sur leurs effets psychologiques et spirituels, et sur les formes géométriques, qu’il utilise en plans superposés, qui envahissent peu à peu son vocabulaire pictural. Ce changement est en partie dû à l’influence du type d’oeuvres qu’il avait vu en Russie. Toutefois Kandinsky continue à prendre ses distances de ce qu’il appelle l’art “mécaniste” des constructivistes et de l’art “pur” des suprématistes comme Kazimir Malevich, en insistant sur le fait que même les formes les plus abstraites possèdent un contenu expressif et émotionnel. Pour Kandinsky, le triangle incarne l’action et l’agressivité, le carré signifie la paix et le calme et le cercle, le royaume du spirituel et du cosmique.
C’est à ce moment que le travail de Kandinsky attire l’attention du collectionneur Solomon R. Guggenheim, qui, avec sa femme Irene et sa conseillère artistique Hilla Rebay, lui rend visite dans son atelier au Bauhaus de Dessau en 1930. Il y achète la monumentale Composition 8 (1923), ainsi que d’autres pièces. Kandinsky continue à enseigner au Bauhaus jusqu’en 1933, date à laquelle l’école est fermée sous la pression des nazis.
Mondes minuscules : Paris
Kandinsky passe les onze dernières années de sa vie près de Paris, à Neuilly-sur-Seine. Il arrive en France en décembre 1933 en provenance de l’Allemagne nazie après la fermeture du Bauhaus de Berlin où il enseignait. La période est remarquablement féconde pour Kandinsky, en dépit de l’instabilité politique et des pénuries qui vont suivre. L’artiste expérimente avec les matériaux (par exemple en combinant sable et pigment) et son vocabulaire formel présente une palette adoucie et des formes biomorphes. Même si Kandinsky collectionne les spécimens organiques et les encyclopédies scientifiques dès son séjour au Bauhaus, il n’introduit pas ce type d’iconographie dans son travail avant 1934. Les compositions complexes de cette étape qui évoquent les univers minuscules d’organismes vivants sont clairement influencées par ses relations avec le surréalisme, avecl’art de Jean Arp et de Joan Miró, et par son intérêt pour les sciences naturelles, notamment pour l’embryologie, la zoologie et la botanique. Kandinsky montre une claire prédilection pour les tons pastel (rose, violet, turquoise et doré) qui rappellent les couleurs de ses origines russes.
Au cours de sa dernière période, Kandinsky conçoit une synthèse entre les thèmes de prédilection qui ont jalonné sa carrière, son passage par le Bauhaus et la pratique de ses contemporains. Il travaille à grande échelle dans des formats dont les fonds sombres rappellent ses toiles expressionnistes et ses peintures inspirées des légendes russes. Il y incorpore aussi des motifs qui renvoient à Paul Klee et aux surréalistes qui restent actifs à Paris, en dépit de sa réticence à s’associer à eux. Dans Autour du cercle (1940), cette influence est perceptible dans la composition complexe et dynamique de formes biomorphes ludiques. Vers le milieu de 1942, les pénuries de la guerre conduisent l’artiste à réaliser de petites oeuvres sur panneau, très éloignées des grandsformats de son travail antérieur à Paris. Mais il continue à creuser le sillon de compositions imaginatives qui reflètent de plus en plus son intérêt pour les sciences, en s’inspirant d’illustrations de biologie parues dans revues et encyclopédies.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les autorités allemandes confisquent l’oeuvre de Kandinsky et d’autres peintres modernes qu’ils considèrent comme de l’“art dégénéré”. En Union Soviétique, le stalinisme ferme des musées et relègue les toiles de Kandinsky dans des réserves. L’artiste décède en 1944 à 78 ans, en laissant derrière lui une oeuvre abondante.
L’industriel et fondateur du Musée qui porte son nom, Solomon R. Guggenheim, commence à collectionner le travail de Kandinsky en 1929, et son engagement pour l’art moderne le conduit à inaugurer à New York en 1939 le Musée de peinture non objective (Museum of Non-Objective Painting), précurseur du Musée Solomon R. Guggenheim. Aujourd’hui, la Fondation Guggenheim détient plus de 150 pièces de cet artiste fondamental.
Commissaire de l'exposition : Megan Fontanella, conservatrice au département « Modern Art & Provenance » du Solomon R. Guggenheim Museum.
Catalogue de l'exposition
A l’occasion de cette exposition, le Musée Guggenheim Bilbao publie un catalogue illustré avec un essai de Tracey Bashkoff et une série de brèves entrées signées par Karole P.B. Vail.
MUSEE GUGGENHEIM BILBAO
GUGGENHEIM MUSEUM BILBAO
Avenida Abandoibarra, 2 - 48009 Bilbao