Paul Klee, entre-mondes
LaM, Villeneuve d'Ascq
Jusqu'au 27 février 2022
Abendliche Figur (Figure du soir), 1935, 53
Aquarelle sur papier ; 48 x 31 cm
LaM, Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut de Lille Métropole
Photo : Philip Bernard
Zweifrucht-Landschaft II (Paysage aux deux fruits II), 1935, 49
Gouache sur papier ; 13 x 33 cm.
Collection particulière
Photo DR Laure
Le LaM, Lille Métropole Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut, à Villeneuve d'Ascq, présente une exposition consacrée à l’oeuvre de PAUL KLEE (1879-1940). Représenté dans le fonds permanent du musée par trois oeuvres issues de la collection de Roger Dutilleul et Jean Masurel, Paul Klee est l’un des rares artistes incontournables de la donation à ne pas avoir encore fait l’objet d’une exposition monographique. A cette occasion, le musée pose un regard inédit sur son oeuvre en mettant en lumière son intérêt pour la question des « origines de l’art ». A travers un parcours rythmé en quatre grands chapitres, l’exposition revient sur la façon dont les dessins d’enfants, l’art préhistorique, l’art extraoccidental et ce qu’on appelle alors « l’art des fous » ont permis à Paul Klee de repenser son art et de le situer, particulièrement après le traumatisme de la Première Guerre mondiale, à la charnière de différents mondes : entre quête des origines et appartenance à la modernité. Réalisée en co-production avec le Zentrum Paul Klee de Berne, où elle a été présentée du 7 mai au 29 août 2021, et réunissant pas moins de 120 oeuvres, l’exposition Paul Klee, entre-mondes crée des dialogues originaux entre des oeuvres provenant des différentes périodes de création de l’artiste et un ensemble d’objets et de documents issus de sa collection personnelle.
17 Gewürze (17 épices), 1932, 69
Peinture à l’eau, peinture à l’huile (?) et encre sur tissu
contrecollé sur carton ; 47,3 x 56,9 cm
LaM, Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut de Lille Métropole
Photo : Philip Bernard
Versunkene Insel (L’île engloutie), 1923
Aquarelle sur papier vergé contrecollé sur carton ; 46,2 x 65,3 cm
LaM, Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut de Lille Métropole
Photo : Philip Bernard
PAUL KLEE : D’UN MONDE À L’AUTRE
Né à Münchenbuchsee, près de Berne, en 1879 et décédé à Locarno en 1940, Paul Klee a longuement hésité entre la peinture et la musique. Il se forme finalement aux arts plastiques à Munich, fait un long séjour en Italie et visite Paris à deux reprises, en 1905 et 1912. Secouée par plusieurs mouvements de rupture artistique, Munich reste son port d’attache jusqu’à la guerre. Il y rencontre Vassily Kandinsky et les membres du Cavalier bleu (Blaue Reiter), groupement d’artistes qui s’intéressent, entre autres, à l’art populaire et aux dessins d’enfants. Un voyage en Tunisie en 1914 le conforte dans sa voie : « La couleur et moi sommes un. Je suis peintre ».
Malgré cette affirmation qui ponctue de longues années d’introspection, Paul Klee se place toujours dans un monde intermédiaire : entre peinture et musique, entre figuration et abstraction, entre Orient et Occident, entre pratique et théorie, entre hier et aujourd’hui. Ne cherchant pas à reproduire le visible, mais à donner forme à l’invisible, il élabore sa démarche dans son journal et dans son enseignement. Il rejoint en 1920 le Bauhaus, école d’arts appliqués fondée à Weimar par l’architecte Walter Gropius. Pendant une décennie, il y élabore une oeuvre singulière, jamais complètement gagnée par le constructivisme dominant. Il est bientôt remarqué par les surréalistes français qui voient en lui un « peintre mental » selon les mots d’Antonin Artaud. Les années 1930 le voient s’installer à Düsseldorf puis à Berne, tandis que son oeuvre accède à une reconnaissance internationale, notamment aux États-Unis. Peu de temps avant sa mort, il attire l’oeil de Roger Dutilleul et Jean Masurel, à l’origine de la collection d’art moderne du LaM.
PAUL KLEE : « COMMENCEMENTS PRIMITIFS »
Comme de nombreux artistes d’avant-garde, Paul Klee, artiste habité par un doute perpétuel, cherche de nouvelles formes d’expression picturale. Dès 1902, après son séjour en Italie, il réalise que l’art de l’Antiquité et de la Renaissance ne répondent pas aux aspirations artistiques de la modernité. Pour sortir de l’impasse des canons académiques et pouvoir créer quelque chose de neuf, il lui faut identifier la « source originelle » à laquelle – selon les représentations de l’époque – puise toute forme d’art : « J’aimerais être comme nouvellement né, ne rien connaître de l’Europe, absolument rien ; ignorer les écrivains et les modes, être quasiment primitif », note-t-il dans son journal.
Dans un compte-rendu de la première exposition du Cavalier bleu rédigé en 1912, il se fait le défenseur « des commencements primitifs d’un art tels qu’on en trouverait plutôt dans les musées ethnographiques ou simplement chez soi, dans la chambre d’enfant ». Il évoque également l’art des « aliénés » sur lequel il jette un regard bienveillant et prend « profondément au sérieux, plus sérieusement que toutes les pinacothèques, dès lors qu’il s’agit aujourd’hui de réformer la peinture ».
De multiples sources sont ainsi convoquées par Paul Klee pour redéfinir l’art comme un moyen de « recueillir ce qui monte des profondeurs et le transmettre plus loin ».
PAUL KLEE : SOURCES CROISÉES
Le parcours de l’exposition met en exergue les quatre voies choisies par Paul Klee pour explorer ces « profondeurs » - l’art des asiles, les dessins d’enfants, l’art extra-occidental et l’art préhistorique - tout en proposant un contrepoint critique sur le mythe d’un retour aux sources de la création permis par le recul historique. Sans chercher à rattacher précisément chaque oeuvre à une source formelle, il ouvre un large spectre d’associations au public, le laissant libre d’élaborer des rapprochements d’une salle à l’autre et de tisser ses propres interprétations. Plusieurs périodes y sont abordées par le prisme de la quête des origines : le contexte du Cavalier bleu à Munich, celui de Dada à Zurich et du surréalisme à Paris, les années d’enseignement au Bauhaus et enfin la réception de Paul Klee aux États-Unis dans les années 1930.
Un catalogue publié en allemand et en français aux éditions Flammarion accompagne l’événement, avec des textes de Fabienne Eggelhöfer, Osamu Okuda, Sébastien Delot, Jeanne-Bathilde Lacourt, Savine Faupin, Christophe Boulanger, Maria Stavrinaki et Morad Montazami.
Commissariat
Fabienne Eggelhöfer, Conservatrice en chef du Zentrum Paul Klee, Berne
Sébastien Delot, Directeur conservateur du LaM, Villeneuve d’Ascq
Jeanne-Bathilde Lacourt, Conservatrice en charge de l’art moderne au LaM, Villeneuve d’Ascq
Assisté·es de Grégoire Prangé au LaM et de Livia Wermuth au Zentrum Paul Klee
LaM, Lille Métropole Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut
1 allée du Musée, 59650 Villeneuve d'Ascq