08/07/20

Global(e) Resistance @ Centre Pompidou, Beaubourg, Paris

Global(e) Resistance
Centre Pompidou, Paris
29 juillet 2020 - 4 janvier 2021

L’exposition « Global(e) Resistance » dévoile pour la première fois les oeuvres de plus d’une soixantaine d’artistes* réunies au cours de la dernière décennie. Dans la lignée de l’exposition « Une histoire : art, architecture, design des années 80 à nos jours », elle présente une majorité d’artistes issus des « Suds » (Afrique, Moyen-Orient, Asie, Amérique latine) et se donne pour ambition d’examiner les stratégies contemporaines de résistance. « Global(e) Resistance » pose également des interrogations théoriques qui vont de l’articulation de l’esthétique et du politique au rapport même du musée au politique au sein des mondes de l’art.

Résister à travers une pratique à la fois artistique et politique, voire activiste, a souvent été l’apanage d’artistes vivant dans des situations d’oppression ou d’inégalités. La fin de la colonisation a fait jaillir de nombreuses voix qui se sont élevées pour entamer de nouveaux chemins de résistance, que ce soit sur un plan purement politique ou pour questionner les histoires, les mémoires trop tenaces ou menacées de délitement. La résistance s’est également organisée grâce à l’art lui-même, de manière poétique ou discursive.

Le projet fait la part belle à la place de la contestation politique à l’heure des décolonisations et de l’effondrement des idéologies communistes après 1989 tout en abordant les relectures actuelles de l’histoire à travers l’excavation et la mise en mémoire. Il prend pour point de départ deux oeuvres fondatrices des années 1990 issues de la collection du Centre Pompidou : le film The Couple in the Cage (1993), dans lequel Coco Fusco et Guillermo Gómez-Peña questionnent la persistance contemporaine de réflexes coloniaux, ainsi que la vidéo Partially Buried (1996), de Renée Green qui met au jour le rôle de la mémoire subjective dans l’écriture de l’histoire. Dans une époque de tumulte et d’urgence, il s’agit d’explorer comment ces contestations participent à la transformation des systèmes de pensées et modifient le regard sur le monde.

Le visiteur est accueilli dans le forum par la sculpture Rédemption de Barthélémy Toguo, exposée pour la première fois depuis son acquisition. L’oeuvre évoque la rencontre Nord-Sud, le panafricanisme et la question de la rédemption et du salut des peuples. Le projet se déploie ensuite au quatrième étage des collections permanentes (Galerie du musée, Galerie d’art graphique et Galerie 0) sur près de 1500m2. Le parcours est ponctué de slogans imprimés sur les murs, réalisés à partir d’œuvres de Barthélémy Toguo. Des oeuvres-manifestes ouvrent l’exposition : Khalil Rabah évoque la situation palestinienne, Teresa Margolles la frontière mexicaine, Yin Xiuzhen les conflits armés et Nadia Kaabi-Linke l’errance des migrants et des sans-abris.

Inspirée par Robert Smithson, l’oeuvre de Renée Green structure dans un premier temps une stratégie de résistance polysémique pensée à l’échelle du paysage comme du territoire, mais aussi rattachée à une mémoire intime. L’imaginaire complexe de certaines villes comme Braddock (LaToya Ruby Frazier), Johannesburg (Subotzsky et Waterhouse), Dakar (Cheikh Ndiaye), marquées par le déclin économique, la contestation socio-politique ou la recomposition urbaine, hantent plusieurs œuvres.

Parallèlement, les artistes accompagnent la ferveur et les inquiétudes surgies des décolonisations (Kiluanji Kia Henda, Abdoulaye Konaté) et surtout en Afrique du Sud où persiste l’apartheid jusqu’en 1991 (Penny Siopis, Kemang Wa Lehulere, Sue Williamson). La mise en question de l’hypothèse communiste, abordée par The Propeller Group, et la progression d’un monde autoritaire, reflétée par l’installation de Pratchaya Phintong, sont le point de départ d’œuvres engagées qui tentent de réconcilier récits individuels et traumatismes collectifs. Les œuvres de Chim Pom et Yin Xiuzhen, elles, dénoncent la menace écologique. Dans une section plus contemplative, la littérature et la philosophie servent de réceptacles à une résistance plus souterraine comme dans le travail de Mohssin Harraki ou M’barek Bouhchichi ou dans l’œuvre emblématique Facing the Wall de Song Dong mêlant zen et combat spirituel.

Dans un second temps, dans la lignée de la mascarade amérindienne de Fusco et Gómez-Peña, certains résidus du monde colonial, en attente d’une recomposition multiculturelle, sont mis en lumière : le « cirque » ethnographique du « bon nègre » au Brésil (Jonathas de Andrade) est mis en négociation dans un monde qui ploie sous le poids des cicatrices (Otobong Nkanga). Plus loin, il s’agit d’envisager la question de la mobilité au coeur du système capitaliste contemporain: les migrations (Younès Rahmoun, Halil Altındere), le corps comme outil de résistance (Evelyn Taocheng Wang, Ming Wong) viennent nourrir une série d’œuvres pensées comme des traversées. Les luttes féministes sont enfin activées dans le travail de Susan Hefuna et de Marcia Kure, tout autant que de nouveaux questionnements sur les questions de genre. Afin de rendre compte des engagements et stratégies des artistes, un salon et des vitrines documentaires envisagés comme un espace discursif accueillent le visiteur à l’entrée du niveau 4 du Musée. Ils valorisent également les engagements de certains «lieux» de l’activisme basés en France.

Un catalogue est réalisé avec des essais de Christine Macel, Alicia Knock et Yung Ma autour des problématiques entre esthétique et politique, à partir des oeuvres de la collection.

Global(e) Resistance
sous la direction de Christine Macel, Alicia Knock et Yung Ma
Bilingue FR/ANG, 160 pages, 15 X 21 cm, 24€
Centre Pompidou

Sommaire du catalogue
Avant-propos, Serge Lasvignes et Bernard Blistène
Introduction, Christine Macel, Alicia Knock, Yung Ma
Stare ou l’artiste en résistance, Christine Macel
Une communauté fragile, Alicia Knock
Les pas que nous devons faire, Yung Ma
Annexes
Liste des oeuvres exposées
Bibliographie sélective, Aurélien Bernard et Chris Cyrille

*Artistes exposés

Georges ADÉAGBO
Jawad AL MALHI
Halil ALTINDERE
Jonathas de ANDRADE
Malala ANDRIALAVIDRAZANA
Iván ARGOTE
Kader ATTIA
Marcos ÁVILA FORERO
Omar BA
Sammy BALOJI
Yto BARRADA
Taysir BATNIJI
Guy BEN-NER
Lotfi BENYELLES
M’barek BOUHCHICHI
Jan BRYKCZYNSKI
Chieh-jen CHEN
CHIM↑POM
Latoya Ruby FRAZIER
Coco FUSCO et Guillermo GÓMEZ-PEÑA
Meschac GABA
Renée GREEN
Hazem HARB
Mohssin HARRAKI
Susan HEFUNA
Kiluanji Kia HENDA
Anna HULAČOVÁ
Nadia KAABI-LINKE
Katia KAMELI
Bouchra KHALILI
Jems KOKO BI
Abdoulaye KONATÉ
Marcia KURE
Hayoun KWON
Firenze LAI
Goddy LEYE
Chuang LIU
Ibrahim MAHAMA
Paulo NAZARETH
Cheik NDIAYE
Otobong NKANGA
Sara OUHADDOU
Akosua Adoma OWUSU
Pratchaya PHINTHONG
Khalil RABAH
Younès RAHMOUN
Zineb SEDIRA
Penny SIOPIS
Dong SONG
Mikhael SUBOTZKY et Patrick WATERHOUSE
Barthélémy TOGUO
Thu-Van TRAN
Kemang WA LEHULERE
Hajra WAHEED
Evelyn Taocheng WANG
Sue WILLIAMSON
Ming WONG
Xiuzhen YIN
Billie ZANGEWA

Cette exposition est réalisée grâce au soutien des amis du Centre Pompidou qui ont fait don au Centre Pompidou des oeuvres de trente-six artistes montrées dans « Global(e) Resistance ».

CENTRE POMPIDOU, PARIS
centrepompidou.fr