16/06/10

Auguste Chabaud en Provence. Exposition à Marseille au Palais des Arts

 

Auguste Chabaud en Provence

Palais des Arts de Marseille

Jusqu’au 12 septembre 2010

 

La Fondation Regards de Provence souhaite mettre en lumière la Provence puissante et singulière d’ Auguste Chabaud (1882-1955) , ses paysages, ses scènes de vie et natures mortes, pleines de force expressive et d'intensité chromatique et solaire. Précurseur de la peinture moderne, conciliant les audaces et les plus authentiques vérités et variétés de sa Provence natale, Auguste Chabaud livre un véritable art de vivre du midi. L’exposition Auguste Chabaud en Provence réunit plus de 120 tableaux, dessins et sculptures, vraies allégories de la Provence de Chabaud.

Peintre expressionniste, ses sujets d'inspiration sont les paysages des Alpilles, le calme et la tranquillité de la Montagnette et les scènes rurales des villages de Provence. Dépouillée de tout folklore, la Provence de Chabaud est monumentale, pleine de vie, d'intensité picturale, brûlée sous la lumière accablante du soleil. Le paysage, résolu en formes simples et aux formes cernées de traits noirs épais, est construit à partir de quelques éléments symboliques, dans un chromatisme réduit, présidé progressivement par un bleu de Prusse éclatant. Dans ses portraits, il capture frontalement les visages ou découpe vivement leur profil, racontant la solitude des hommes dans le monde moderne.

A la manière des fauves, la ferveur de la touche, une grande simplification du dessin, l’emploi des couleurs pures juxtaposées caractérisent sa liberté d’expression et sa volonté de renouveler l'art de peindre son propre paysage. Fier de ses racines, Chabaud revendiquera toujours un art instinctif et une position marginale dans le champ artistique: "Le peu que je sais, je l’ai appris non des ateliers suffocants où je n’ai pu vivre […], mais en suivant les laboureurs et les bergers", écrit-il en 1912 dans la préface de son exposition à la galerie Bernheim-Jeune, à Paris. Chabaud est un passionné, exigeant sur la qualité de son art.

De sa jeune époque parisienne, Auguste Chabaud est fasciné par le bouillonnement de la capitale, sa modernité agressive et peint les rues animées et les places désertes, les scènes de la vie nocturne, les maisons closes, dans un graphisme rapide, synthétique, proche parfois de la caricature. Il expose aux côtés des principaux acteurs du fauvisme, Matisse, Derain, Vlaminck et Picasso en France et à l’étranger. Le Sud, qu’il n’a jamais cessé de peindre pendant cette période, va l’occuper pleinement à son retour de la guerre, en 1919, où il s'installe définitivement à Graveson, dans les Alpilles dans la propriété viticole familiale, le mas Martin. Frédéric Mistral a pu l’influencer dans ce retour à la terre plus encore que le besoin d’exploiter le mas Martin. Ses écrits, tel « Poésie pure, peinture pure », démontrent qu’il devient sensible à des valeurs plus simples, de vie et de pensée naturelle.

De cette retraite dans le midi, Chabaud se met à peindre à Graveson avec l’accent du cru, colorant sa peinture pour lui conférer une intonation plus particulièrement pure. Son art dévoile les cheminements de l’artiste vers ses découvertes, ses goûts du moment et ses attendrissements devant la nouveauté. Sa peinture est toujours lumineuse, en harmonie avec l’amitié et la tendresse qu’il porte pour son pays, ses habitants et ses coutumes, « Amo di moun païs ! » Sa période provençale est la plus prolifique en terme d’expositions, tant en Provence qu’à l’étranger et surtout à Paris (Galerie Montaigne, Galerie Katia Granoff, Cercle artistique et littéraire de Paris).

De sa période définie de « cubiste instinctif », il élabore une oeuvre sculptée dans la pierre de Fontvieille, comme beaucoup de ses confrères fauves. Dans l’enthousiasme de ses débuts d’artiste, il est difficile de ne pas participer à la frénésie qui s’est emparée des novateurs de cette époque. De plus, à quelques kilomètres de Graveson, à Avignon et à Sorgues, se sont installés Pablo Picasso et Georges Braque, que Chabaud connaît, et où les deux compères initient un dialogue qui ne doit finir qu’à leur disparition.

Il est vraisemblable que les origines du Cubisme, que beaucoup placent dans l’art africain, aient pu influencer l’artiste à chercher un certain exotisme dans ses voyages au Sénégal et au Dahomey. Ses volumes volontairement statiques et pesants, taillés directement dans la pierre, peuvent être rattachés au Cubisme, et ses graphismes restent fauves.

Si le paysage l’a marqué, le peintre s’est emparé du paysage à l’instar de Cézanne qu’il admirait par ailleurs. Il a une furie de ces vallonnements, de ces collines qui l’entourent. Il exécute rapidement une infinité de petits formats, des exercices pour saisir la lumière et les contours géographiques de la Montagnette. Il détermine une chromie particulière au paysage. S’inscrivent des routes dans ses paysages comme un tracé dans la carrière et des routes bordées de cyprès, arbres symboliques de la Provence qui protègent du mistral. Les chemins de fer sont peut-être une allégorie de ce qui le relie encore à Paris, la peinture.

Auguste Chabaud peint des points de vue aériens de sites devenus familiers, égrenant les heures à la lecture de la lumière naturelle ou du cadran solaire, et des scènes d’intérieur où les rayons de soleil filtrent à travers les fenêtres. Ces toiles opèrent de véritables diaporamas sur les sites – Tarascon, Arles, les Baux de Provence… - et des instantanés de moments de vie et de travail.

De retour au pays, il a voulu très simplement jouir d’une vie familiale en pleine nature, peignant fièrement sa famille en grande réunion ou en petit comité. Ce retour aux sources procure à Auguste Chabaud, le provençal, une nouvelle vérité, un nouveau bonheur dans cette simplicité retrouvée, un assouvissement et une fierté de revenir au pays. Maillol disait : “L’important n’est pas ce qu’on est, c’est ce qu’on devient “. Le travail s’en ressent, que ce soit dans la quiétude de l’atelier ou en plein air sur le motif.

“ Cézanne, dans son projet, ne pouvait être mieux servi que par les paysages de Provence et d’Aix où il est né. Ces paysages, parmi ce qui se passe, situent ce qui demeure. Ils ont un aspect non d’éphémère mais d’éternité grâce à ces arbres, les oliviers, les cyprès, les pins, arbres qui résistent aux fluctuations des saisons et gardent leur apparence d’un bout à l’autre de l’année,“ disait Chabaud.

L’humain et son art de vivre sont sans doute les plus importants aux yeux de l’artiste, qui a désiré vivre en osmose avec son village et sa terre, se liant avec le médecin, le pharmacien, l’humble fonctionnaire des Postes, les cultivateurs, cette porteuse d’eau, la gitane, la ménagère, l’enfant... Les scènes du travail des champs sont familières au peintre. Il part aux champs le matin et exerce sur ses employés une curieuse surveillance. Il dessine sur des carnets les attitudes des travailleurs pendant leurs tâches et, le soir, fait dans une grange une exposition de ces dessins où il transforme les ouvriers agricoles en censeurs de leurs gestes et de ses dessins.

La véritable modernité de Chabaud réside dans son apport à la tradition provençale, sa continuité dans la découverte de cette Provence minérale qu’a si bien traduite Paul Guigou. Il écrivait : “Le Midi dont je relève n’est pas un pays d’opéra-comique comme dit Edmond About en parlant de la Grèce. Il est dépouillé, sobre, grave, réduit aux lignes essentielles de la construction rocheuse. C’est ainsi que l’ont peint les beaux artistes de l’école provençale depuis Loubon, Guigou, Grésy, Engalière et plus récemment Cézanne. À la suite de ces peintres toujours dignes et souvent graves, je peins à mon tour, à ma façon évidemment, mais dans la même tradition.“

Continuer, c’est évoluer, changer, améliorer, et mettre une tradition dans le devenir. Après Chabaud, la peinture provençale ne sera plus la même. Il a apporté, en toute connaissance de cause, un renouveau dans son propre paysage et, à son tour, il a posé un jalon sur lequel d’autres artistes pourront repérer la Provence. Chabaud restera, avec quelques autres, le témoin et le résistant précurseur de cette Provence moderne.

L’ouvrage La Provence d’Auguste Chabaud, édité par l’Association Regards de Provence, rédigé par le critique d’art Bernard Plasse (dont le présent texte s’inspire), retrace l’oeuvre provençale d’Auguste Chabaud avec des reproductions de tableaux, de dessins et de sculptures. Prix public : 35 €.

 

Biographie d’ Auguste Chabaud, 1882-1955

1882 – Auguste Chabaud est né à Nîmes le 4 octobre 1882. Son père, après avoir fait des études d’art, reprend la tannerie familiale, et sa mère est issue d’une famille de pasteurs protestants. De son éducation, Auguste garde toute sa vie une certaine rigueur, même dans ses oeuvres.

1890 – Son grand père achète le Mas Martin, à Graveson, qui sera son lieu de résidence d’où une grande partie de ses tableaux seront réalisés dans son très grand atelier.

1896-97 - Après avoir suivi sa scolarité à Avignon, il entre à l’Ecole des Beaux-arts où il suit les cours du peintre Pierre Grivolas.

1899 – Il poursuit ses études artistiques à Paris, chez Cormon à l’Ecole des Beaux-arts, à l’Académie Julian et à l’Académie Carrière où il rencontre Henri Matisse et André Derain.

1900-01 – La propriété familiale est ravagée par le Phylloxéra et les problèmes financiers qui en découlent mettent fin à ses études artistiques et font revenir Chabaud en Provence. A cette période, il réalise des oeuvres fortes sur la vie de la ferme sur du papier boucherie. Il embarque ensuite comme pilotin dans la marine marchande et navigue sur les côtes du Sénégal et du Dahomey pour la Compagnie Fraissinet. Alors qu’il est en mer, son père se donne la mort à Graveson.

1903-06 – Il fait son service militaire en Tunisie, en s’engageant dans l’artillerie coloniale à Bizerte. Il croque les paysages des environs de Tunis et ramène de nombreux dessins et aquarelles très colorées et expressives.

1907 – Chabaud s’installe à Paris, rue Muller à Montmartre. Il fait la connaissance de Maurice Utrillo et d’Henri Laurens. Il a une production intense et très riche avec de nouveaux thèmes - cabarets, cirque, scène de la vie nocturne et de ses plaisirs. Il participe au Salon des Indépendants et au Salon d’Automne et « hurle avec les fauves ». Il a une très grande activité picturale avec de multiples rapprochements à l’expressionisme des voisins allemands et grâce à l’émulation des peintres du « Bateau-lavoir » qu’il côtoie de loin, Picasso, Kees van Dongen, Derain,…

1908 - Sa première exposition est organisée à Toulouse, chez Malpel, dans les locaux du journal « Le Télégramme » où il présente des sujets provençaux.

1910 – Il expose chez Berthe Weill et Clovis Sagot à Paris.

1911 – Il commence ses tableaux plus géométriques et dépouillés et s’essaie à la création de sculptures en grès calcaire dans un style qu’il nomme « primitiviste ». Son ami Laurens a pu l’influencer dans son oeuvre sculptée, mais la puissance de ses sujets de paysans le caractérise.

1912 – Exposition personnelle de Chabaud chez Bernheim Jeune, comprenant des peintures et des dessins en majorité de Provence et d’inspiration cubiste.

1913 – Chabaud remanie bon nombre de ses toiles. John Quinn présente à l’Armory Show de New York des oeuvres de Chabaud qu’il a acquit trois ans auparavant, avec des oeuvres de Matisse, Brancusi,… Chabaud et son cubisme instinctif dérange le public.

1914 – En août, Chabaud est mobilisé dans l’artillerie. Son frère est tué à Verdun en 1916. Il exécute une grande quantité de dessins poignants.

1919 – Il retourne au Mas familial, avec la croix de guerre et deux citations. Pendant son absence, sa mère avait vendu 10 de ses tableaux au grand collectionneur John Quinn.

1920 – Début de l’époque bleu, les oeuvres sont encore anguleuses, assez dépouillées, avec un bleu de Prusse pur et violent. A Paris les oeuvres de Chabaud sont de nouveau exposées aux Salons. Le collectionneur Joseph Müller acquiert plusieurs oeuvres de l’artiste.

1921-28 – Mariage avec Valentine Susini, qui lui donnera huit enfants. Période de tranquillité et d’équilibre, avec une forte production de tableaux inspirés de la vie quotidienne de sa famille et de l’activité agricole. Il peint les portraits des habitants du village et des agriculteurs journaliers qui animent le Mas. Chabaud écrit aussi des poèmes et des ouvrages dont : « Poésie pure-peinture pure », « Le Taureau Sacré » ou « Le tambour Gautier », il est proche de Mistral et il peint « sa » Provence. Il publie des articles sur l’art et la littérature et sur des sujets régionaux. Il apprend le Provençal. L’Etat lui achète des oeuvres pour le Musée National du Luxembourg. Il perd sa mère en 1928.

1928-29 – Deux expositions personnelles lui sont consacrées à la Galerie Montaigne, à Paris.

1930 – Il se rapproche de Marseille où il va peindre et exposer assez régulièrement. Le coloris de ses toiles commence à s’assagir, le style aussi. Chabaud s’adonne aux Montagnettes, toutes marquées par la violence du climat, du mistral qui torture la végétation et la perte d’un de ses enfants qui laisse des stigmates dans sa peinture.

1937-39 – Plusieurs expositions se déroulent chez Katia Granoff à Paris. Ses tableaux sont montrés au Petit Palais à Paris. Chabaud peint en solitaire, d’où son surnom d’Hermite de Graveson. Son fils Maurice meurt à l’âge de sept ans. L’Etat Français achète deux autres oeuvres de Chabaud.

1945-50 – Chabaud est de plus en plus apprécié par les collectionneurs, les musées et les critiques. Il reçoit la commande d’une grande peinture murale pour la mairie de Graveson. Il publie un ouvrage autobiographique intitulée « Et moi aussi je suis poète ».

1950 – Le Musée Granet à Aix-en-Provence présente une exposition pour le jubilé d’Auguste Chabaud. Le Conservateur Malbos ose montrer pour la première fois huit oeuvres de la période parisienne d’avant 1912. Page 4

1952 – Exposition au Cercle Volnay «Chabaud cinquante ans de peintures ». Maximilien Gauthier publie la première monographie de Chabaud. Le Musée National d’Art Moderne de Paris acquiert trois tableaux parisiens de 1907.

1953 – Chabaud est décoré de la légion d’honneur.

1955 – Auguste Chabaud meurt en mai dans sa propriété de Graveson.

 

PALAIS DES ARTS
Place Carli - Cours Julien
13001 Marseille

22 mai - 12 septembre 2010

Ouvert tous les jours de 10h à 18h.
Tarif normal : 4,50 €  - Tarifs réduits : 3,50 € - 2,30 € - 1,50 €
Visite commentée de l’exposition, hors groupes, les mardi, jeudi, samedi et dimanche à 15h
Visite commentée sur rendez-vous, les lundi, mercredi et vendredi, 2 € / personne

Association Regards de Provence : Palais des Arts, 1 place Carli, 13001 Marseille - Site : www.regards-de-provence.org