26/10/15

Anselm Kiefer, BnF, Paris - l'alchimie du livre

Anselm Kiefer, l'alchimie du livre
BnF François Mitterrand, Paris
Jusqu'au 7 février 2016

Anselm Kiefer
Shevirat Ha-Kelim (Le bris des vases), 2011
© Anselm Kiefer, Photo Avraham Hay

La Bibliothèque nationale de France organise une exposition consacrée aux livres d’Anselm Kiefer. Avec une scénographie inédite signée par l’artiste allemand, l’exposition dévoilera plus d’une centaine de livres réalisés entre 1968 et 2015, associés à des sculptures et des tableaux récents. Une occasion unique de découvrir l’aspect le plus intime du travail de cet artiste contemporain majeur et de comprendre le rôle essentiel que joue le livre dans son processus de création.

« Au moment même où il réfléchissait à sa grande rétrospective au Centre Pompidou, Anselm Kiefer nous a confié son désir de mettre en valeur séparément l’aspect le plus personnel et le moins exposé de son œuvre. J’ai immédiatement répondu à ce vœu, en lui donnant carte blanche pour présenter ses livres à la BnF », déclare Bruno Racine, président de la BnF.

Exposé dans le monde entier, Anselm Kiefer est connu essentiellement pour ses tableaux et ses sculptures alors que ses livres qui fondent l’œuvre et représentent soixante pour cent de son travail, n’ont, paradoxalement, jamais fait l’objet d’une rétrospective en France.

Anselm Kiefer 
Für Jean Genet, 1969
Photographies en noir et blanc, gouache, roses séchées, aquarelle sur papier 
et mine de plomb sur carton relié
Collection privée © Anselm Kiefer, Photo Charles Duprat

Existant en un seul exemplaire, ces livres sont des œuvres uniques dont les formats et la présentation évoluent au cours des décennies. Pouvant atteindre de grandes dimensions, ils intègrent dans leurs pages divers matériaux, tels que l’argile, le sable, la cendre, les cheveux, les plantes, la paille, des photos… et bien sûr, le plomb, medium privilégié de l’artiste, d’abord utilisé sous forme de feuilles ou de fragments, avant de devenir, vers la fin des années 1980, les livres eux-mêmes, pesant alors entre 70 et 200 kg. Pour l’artiste, outre sa plasticité, le plomb se caractérise par sa puissance poétique et spirituelle.

Dans une mise en espace conçue par Anselm Kiefer pour la BnF, l’exposition recrée tour à tour l’atelier, la bibliothèque de l’artiste, projetant le visiteur dans son univers le plus intime, inaccessible habituellement au public. L’exposition présente deux cabinets de lecture, ses premiers livres conceptuels utilisant la photographie, autre medium privilégié de Kiefer, indissociable de son œuvre depuis 1968. Elle explore les différents thèmes traités par l’artiste depuis plus de 40 ans, à travers une sélection de plus d’une centaine de pièces. On y voit ainsi un ensemble de livres consacrés aux écrivains, aux cosmogonies (The secret life of plants), aux grands mythes antiques (Gilgamesh et Enkidu) ; mais aussi des livres de sable, des livres brûlés, des livres de plomb et les livres, récents, d’aquarelles érotiques, réalisées sur des pages enduites de plâtre.

Pour la première fois, les livres d’Anselm Kiefer sont installés, dans un dialogue stimulant, en parfait écho avec une dizaine d’œuvres, sculptures et tableaux évoquant le livre. Une bibliothèque, Shevirat Ha-Kelim (Le bris des vases), est également exposée. Composée d’une trentaine de volumes de plomb et de verre brisé, elle évoque le mythe kabbalistique de la Création divine selon Isaac Louria. Cette exposition spécialement créée pour la BnF, révèle le cheminement de la pensée d’Anselm Kiefer dont le livre est au cœur du processus artistique. De même, elle éclaire la manière dont l’artiste évolue d’un medium à l’autre. Elle met également en évidence combien l’écrit est au centre de son œuvre et comment les références littéraires, philosophiques et historiques irriguent son art.

Anselm Kiefer 
Vue d’installation, Croissy, 2015 
© Anselm Kiefer, Photo Charles Duprat

ANSELM KIEFER, BIOGRAPHIE
Né le 8 mars 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, à Donaueschingen dans le Bade-Wurtemberg, Anselm Kiefer étudie le droit et la littérature, avant de bifurquer vers l’école des Beaux-arts de Karlsruhe. Depuis ses débuts sur la scène artistique dans les années 1960, Anselm Kiefer consacre une rare énergie à analyser les possibilités de créer après l’Holocauste. Il réalise une série de performances appelées Occupations qui consistent à se faire photographier « occupant » différents lieux d’Europe, en parodiant le salut hitlérien. Acte d’identification conceptuelle, ses « autoportraits » seront utilisés dans ses premières œuvres peintes et dans ses livres : Heroische Sinnbilder, Für Jean Genet qui témoignent d’un travail sur la mémoire individuelle et collective pour lutter contre l’oubli et le refoulement du souvenir. Il n’aura, dès lors, de cesse, d’interroger son identité d’Allemand, son histoire, ses racines, sa culture par cet important travail de mémoire.

A partir des années 1970, son œuvre prend progressivement la forme d’une quête spirituelle à la portée universelle, qui sait prendre en compte l’Histoire, les mythes germaniques, grecs, assyriens, la religion, les femmes, mais aussi le cosmos, la mystique juive et la Kabbale qui traverse l’œuvre sous diverses formes depuis 1983. Grand lecteur, Kiefer nourrit son œuvre de ses lectures : Ingeborg Bachmann, Paul Celan, Céline, Paul Valéry, Velimir Khlebnikov, Ossip Mandelstam, Robert Fludd… 

Installé en France depuis 1993, il a travaillé d’abord à Barjac, dans le Gard, avant d’établir son atelier en région parisienne en 2007. 

Commissariat de l'exposition : Marie Minssieux-Chamonard, conservateur, Réserve des livres rares, BnF

Publication : Anselm Kiefer, l’alchimie du livre. Sous la direction de Marie Minssieux-Chamonard, 256 pages, 366 illustrations, 39 euros, Éditions du Regard/BnF

BnF François Mitterrand, Paris
www.bnf.fr

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