17/06/19

Eva Jospin @ Galerie Suzanne Tarasieve, Paris

Eva Jospin
Galerie Suzanne Tarasieve, Paris
Jusqu'au 26 juillet 2019
Un ensemble d’îlots réunis se fait terre d’ancrage d’architectures composites et d’éléments architecturaux liés intimement au paysage, à la terre et à la nature, à l’époque aussi qui les a vus naître et s’ériger dans ce bout de monde où les ponts enjambent on ne sait quelle coulée d’eau ou crevasse. Il porte les rêveries d’Éva Jospin. À la fois sculpture et maquette, chaque site télescope des éléments réels d’une architecture et une vision réinventée, fictionnelle du palais, du temple, du jardin et de ses différentes composantes (grotte, gloriette, promontoire, rocaille ou Folie) conçues juste pour l’agrément, le plaisir. Un monde en soi porteur de récits, de contes, de mythes et d’épopées se cristallise. « J’ai beaucoup regardé les jardins de la Renaissance maniériste et les peinture de vedute », rappelle Éva Jospin. Dans cet espace de représentation et de réinterprétation de la nature idéalisée, elle n’en reconfigure pas moins les motifs, les décors. Elle en revendique les artifices, les trompes l’œil indissociables d’habilités et de virtuosités techniques, de jeux de plans et de perspectives. 
Support et matériau de prédilection de ses imaginaires, le carton se fait sol, roche, pierre, végétal, convoque le minéral, la taille, la construction, l’érosion, la ruine, la nature souveraine. Des strates de cartons découpés, superposés, juxtaposés et poncés se profilent aujourd’hui des veines de couleurs ténues, inédites dans son travail, strates de de sédiments des temps géologiques. Ils marquent une évolution discrète dans le travail de l’artiste. Le changement s’infuse doucement, sans heurts. L’introduction de la couleur se veut parcimonieuse. Éva Jospin aime prendre son temps. Et puis il y a le temps de l’ouvrage. « Chaque sculpture, installation ou dessin à l’encre en prend beaucoup », souligne-t-elle. « D’où le peu de pièces produites à chaque fois ». 
Les usages métaphoriques du carton eux-mêmes évoluent et élèvent de hautes parois rocheuses d’une clarté pure, troublante et impressionnante de matérialité et de présence. Elles allient simplicité et force souveraine. La magie de l’illusion, du décor, du trompe-l’œil une nouvelle fois opère. La découpe franche dans un flanc de montagne apparaît palpable et réfléchit une luminosité variable selon l’heure de la journée ou de la nuit. Le temps géologique de la sédimentation ouvre à des projections et des figurations narratives à fleur de roche, hypnotiques et sereines. 
Le minéral se fait plus présent dans l’œuvre d’Éva Jospin et entrouvre à d’autres sculptures, d’autres explorations et matériaux (bronze ou plâtre), à d’autres atmosphères également. L’univers imaginaire de l’artiste s’étend. Le questionnement entre l’art, l’architecture et sa représentation élargit le champ des investigations. On retrouve les forêts, les grottes, les temples, les constructions décoratives, pièces familières de rêveries émancipatrices et fécondes en mystères ou secrets. Les nouvelles créations de l’artiste, qu’elles soient sculptures ou dessins à l’encre, engagent toutefois à d’autres histoires ou mythes contés que l’on regarde, ressent, écoute pour les raconter à notre tour. 
Christine Coste

GALERIE SUZANNE TARASIEVE, PARIS
7, rue Pastourelle, 75003 Paris
www.suzanne-tarasieve.com