Vera Molnár, Parler à l'oeil
Centre Pompidou, Paris
28 février − 26 août 2024
A l’occasion du centenaire de la naissance de l’artiste d’origine hongroise Vera Molnár (née à Budapest en 1924), le Centre Pompidou lui consacre une importante exposition. « Vera Molnár, Parler à l’oeil » se présente comme une rétrospective qui puise dans les collections publiques françaises, à commencer par celles du Centre Pompidou, fonds de référence en grande partie constitué grâce à la générosité de l’artiste. Peintures, œuvres sur papier, sculpture et photographies, mais aussi installations murales sont réunis pour la première fois, avec ses Journaux intimes qui jalonnent un parcours exceptionnel par sa longévité et sa créativité.
Élaborées autour de 1947 dans un état d’esprit constructiviste, ses œuvres, en s’enrichissant de connaissances sur la psychologie de la forme et des lois de la vision, deviennent des questionnements plastiques de l’optique. Cybernéticienne puis informaticienne, Vera Molnár met en place dans les années 1960 un mode de production qu’elle nomme « machine imaginaire » avant d’être la première artiste en France (1968) à produire des dessins numériques en utilisant un ordinateur relié à une table traçante. Jusqu’au mitan des années 90, elle se livre à une exploration systématique de familles formelles dont elle met en scène les mutations privilégiant le plus souvent la reprise et la sérialité. Jusqu’à aujourd’hui, l’artiste poursuit une production qui allie paradoxalement maîtrise et liberté, savoir-faire et quête de la surprise.
L’exposition commence avec les premiers dessins de Vera Molnár, Arbres et collines géométriques (1946), qui, avant même son installation à Paris en 1947, livrent une vision essentialisée de paysages familiers. Les années 1950 sont évoquées par des compositions qui inscrivent pleinement l’artiste dans le courant de l’abstraction géométrique de l’après-guerre (Cercles et demi-cercles, 1953, musée de Grenoble ; Quatre éléments distribués au hasard, 1959). Après avoir livré des peintures d’une grande radicalité (Icône, 1964 ; Neuf carrés rouges, 1966), Vera Molnár débute ses séries de dessins algorithmiques qui, sous le titre À la recherche de Paul Klee, anticipent son usage de l’ordinateur.
Pour les années 1970, plusieurs séries de dessins réalisés cette fois sur table traçante manifestent son goût pour l’introduction d’un certain pourcentage de désordre au sein de compositions géométriques simples (Déambulation entre ordre et chaos, 1975 ; 160 carrés poussés à bout, 1976 ; Des lignes, pas des carrés, 1976 ; Molnaroglyphes, 1977-1978).
Les années 1980 se caractérisent notamment par l’apparition dans l’œuvre de Vera Molnar de ses premiers polyptyques (Transformation, 1983), dont le Centre Pompidou conserve plusieurs exemples marquants (Identiques mais différents, 2010). Témoignage du long compagnonnage de Vera Molnár avec l’œuvre d’Albrecht Dürer, Les Métamorphoses d’Albrecht (1994-2017) organise en quatre tableaux la transition progressive du monogramme de ce dernier vers le sien propre. Dans l’exposition, non loin de son Carré dévoyé (1999, Rennes, musée des Beaux-Arts), les visiteurs peuvent aussi découvrir pour la première fois, Perspective d’un trait (2014-2019), sculpture inédite en acier inoxydable et aluminium anodisé dont la perception se transforme au gré des déplacements du regardeur.
L’œuvre photographique de Vera Molnár est évoqué par plusieurs séries (Etudes sur sable, 2009 ; Ombres sur carrelage, 2012 ; Par temps couvert, 2012), tandis que les vingt-deux volumes de son « Journal intime » sont présentés dans leur intégralité. Ces simples cahiers d’écoliers, gonflés de schémas, de photographies et de documents divers collés au fil des pages, constituent des documents uniques sur le parcours de l’artiste et la genèse de nombre de ses œuvres.
Enfin, plusieurs installations in situ (OTTWW, 1981-2010, d’après un poème de Shelley ; Trapèzes penchés à droite (180%), 2009), dont une toute récente (La Vie en M, 2023), créée par Vera Molnár spécialement pour l’occasion, manifestent sa volonté d’immerger le visiteur dans son univers.
Commissariat : Christian Briend, chef du service des collections modernes, Musée national d’art moderne, assisté de Marjolaine Beuzard, attachée de conservation
CENTRE POMPIDOU, PARIS