Micha Laury : Human Breath
Galerie Maubert, Paris
24 février - 20 avril 2024
Tomb, 1968
Aquarelle sur papier, 46 x 41 cm
© Micha Laury, courtesy Galerie Maubert
L’exposition personnelle Human Breath de MICHA LAURY (né en 1946, Israel ; vit et travaille à Paris) à la Galerie Maubert se présente non pas comme une rétrospective, mais comme un « retour aux sources ». Aux sources du travail, car l’exposition mêle des dessins historiques des années 1960 - fondateurs des installations et performances qui se développeront sur presque 60 ans - à des œuvres sculpturales récentes et inédites. Mais elle renvoie plus généralement aux « prémices de la vie », où les souvenirs d’enfance de Micha Laury - fondateurs de concepts en construction se confrontent aux origines de l’Humanité.
Depuis 1967, l’artiste étudie l’expérience sensible de son environnement pour questionner la relation de l’Homme au Monde. Micha Laury est né en 1946, en Israël, dans le kibboutz Negba. N’ayant à l’époque aucune éducation artistique, il appréhende l’art de manière intuitive à travers son expérience personnelle du quotidien. Il n’est pas étonnant qu’aujourd’hui son travail s’articule autour de ses propres souvenirs et d’une conviction que l’espace dans lequel nous habitons ne saurait être neutre 1.
Human Breath discute des origines. Deux grands dessins ouvrent l’exposition, dans la lignée des techniques sur papier que l’artiste développe depuis les années 60, entre formes géométriques, chemins, architectures des cités et des corps. Ils évoquent ici le squelette de Lucy, ancêtre de l’Homme. L’introduction de l’espace d’exposition entrecroise ainsi les débuts de l’Humanité, les prémices de toute chose. Ces formes d’ossements ou de cartographies se retrouvent dans la nouvelle série d’œuvres Untitled (Beit Afa Lucy) : des dessins où les encres, aquarelles, acryliques… côtoient la céramique (technique entamée il y a 12 ans), évoquant ainsi des plans ou des architectures de maison. Celles-ci renvoient aux fondements du travail de Micha Laury qui, dès les années 1960, à travers un réseau très intime de connexions, interroge la spatialisation et l’habitation de l’espace. Ses premiers dessins dont certains sont présentés dans l’exposition, rappellent les vues en bordure de désert caractéristiques du kibboutz natal de l’artiste. C’est dans ce territoire que naît un souvenir d’enfance qui vient alimenter les productions plus récentes de l’artiste : la visite quotidienne d’un village arabe à la frontière du kibboutz, Beit Afa, détruit il y a maintenant 70 ans, composé de maisons en terre fragiles et instables.
Ces habitations de fortune sont autant de constructions élémentaires archétypales qui renvoient à la volonté de marquer un territoire, mais surtout de se construire et se protéger : habiter l’espace, c’est aussi trouver refuge pour le corps et l’esprit. Aussi le thème de l’abri est central dans le travail de Micha Laury, au départ sous forme de bunker de survie, semblable à celui où l’artiste a aménagé, dans le périmètre de son kibboutz, son premier atelier, et qui se décline tout au long de sa démarche : espace confiné et espace protecteur, mais aussi espace d’enfermement et de souffrance 2. Car c’est aussi dans ces bunkers que l’artiste a passé de longs mois comme soldat en Israël entre 1967 et 1973. Et si ces abris suggèrent une situation de raids aériens ou de catastrophe nucléaire, ils font avant tout allusion à un phénomène de société qui ne cesse de se développer, un processus d’exclusion de ceux qui n’existent plus socialement, qui se retrouvent à la marge de la société, à la rue, sans abri 3. Exclus pour parfois mieux se relever, comme le souligne le dessin Fuck the art, réalisé en 1967 suite au rejet de l’artiste par une école des Beaux-Arts de Tel Aviv la même année.
Les architectures spartiates se retrouvent dans l’exposition à la fois dans les œuvres murales Beit Afa et dans la série de sculptures en céramiques Temporary Shelters, réaffirmant une volonté d’explorer l’espace et l’interdépendance des modes d’expressions, picturaux ou tridimensionnels, dans la pratique de Micha Laury. Leur rassemblement dans l’espace de la galerie accentue l’idée de « village » et notre présence au sein de l’exposition renforce la place essentielle des corps dans l’architecture. Tout part du corps, tout part du souffle
humain.
Les références aux maisons de fortune et aux abris reviennent également sous la forme d’une accumulation de photographies imprimées sur poster. Si elle convoque une autre époque et un autre territoire, à savoir le Brésil des années 1990, cette image n’en demeure pas moins universelle et soulève des problématiques qui demeurent contemporaines. À une époque où le processus d’urbanisation ne fait que se développer et où construire est devenu l’un des principaux enjeux de nos sociétés, Micha Laury interroge l’occupation de l’espace et des territoires. Mais là où ceux-ci sont en permanence menacés, fragiles, en situation précaire, c’est aussi l’obsession de la conquête qui est évoquée 4. Les posters forment une structure qui s’amenuise à mesure que les visiteurs s’en emparent, menaçant de disparaître ou de s’effondrer.
MICHA LAURY
B. 1946 (IL). Vit et travaille à Paris.
Né en 1946 dans le kibboutz Negba en Israël, isolé du monde de l’art, Micha Laury débute une activité artistique autodidacte en 1967. Via l’expérience sensible de son environnement, sa pratique multidisciplinaire explore de nouvelles façons d’observer et de penser le monde ; Micha Laury « utilise ses propres souvenirs, son sentiment d’un certain isolement ressenti durant ses années de jeunesse, la certitude que l’espace dans lequel nous habitons ne saurait être neutre. À travers un réseau très intime de connexions, les thèmes imposés par les objets comme par le territoire familier se trouvent soumis au crible des prises de conscience et ramenés à des schémas formateurs. » (Anne Tronche).
Son travail questionne la place de l’homme dans nos sociétés contemporaines, les réseaux et environnements futurs, de même que les rapports de force et les ressorts insidieux de l’autorité. Dès la fin des années 1960, l’artiste développe un ensemble impressionnant de projets d’installations et de performances - qu’il poursuit aux États-Unis en 1971 puis en France où il s’installe en 1975 - autour de l’espace physique et mental : existence, douleur, contrainte, aliénation spatiale... mais aussi résistance corporelle. À partir des années 2000, une série d’expositions permet la réalisation de certains de ces projets restés à l’état d’esquisses, à l’instar de l’installation monumentale Trap Space, Speak to the Wall, Mixed Vertigo Hole in the Soul au Musée d’Art Contemporain de Lyon en 2000, ou du cycle de performances au FRAC Franche-Comté en 2020-2021.
Son œuvre a bénéficié de nombreuses expositions personnelles dans des institutions de renom en France et à l’étranger : au Centre Pompidou en 1980 et au Israel Museum la même année (lauréat du prix Willem Sandberg), au Frac Occitanie Montpellier (1994), aux Musées des Beaux-Arts de Chartres et de Calais (1995), au FRAC Normandie (1996 et 2003), à la Cité des sciences et de l’industrie (2000), au Weizmann Institute of Science en Israel (2013), au Musée d’art contemporain de Saint-Etienne (2014), à la Kunstverein Bellevue-Saal en Allemagne (2019)… En 2025-2026, deux rétrospectives lui seront consacrées au Frac Franche-Comté et au MAC VAL.
Le travail de Micha Laury est présent dans d’importants musées français et internationaux : le Centre Pompidou à Paris, le Stedelijk Museum à Amsterdam, le Musée d’art contemporain de Lyon, le Musée d’arts de Nantes, le Jewish Museum à New York, le Musée d’Israël à Jérusalem, le Tel Aviv museum of Art... Ainsi que dans de nombreuses collections publiques : CNAP, Fonds d’art contemporain - Paris Collections, FRAC Alsace, FRAC Franche Comté, FRAC IDF, FRAC Normandie, FRAC Picardie...
GALERIE MAUBERT
20 rue Saint-Gilles, 75003 Paris