ANDRES SERRANO
Portraits de l'Amérique
Musée Maillol, Paris
27 avril - 20 octobre 2024
© Tempora / dbcreation
© Tempora / dbcreation
© Tempora / dbcreation
Présenter l’œuvre d’Andres Serrano en Europe, à Paris, en cette année 2024 ne tient pas du hasard. La campagne qui se profile pour élire le 47e Président des États-Unis d’Amérique sera à n’en pas douter d’une violence extrême tant les lignes de fracture de la société américaine sont profondes et nombreuses. Tant les aspirations sont divergentes. Trump a longtemps passé pour un histrion isolé qui devait à sa seule fortune considérable d’avoir pu imprimer sa marque sur le Grand Old Party. L’image d’un Trump fou et solitaire a longtemps prévalu. Justifiant même au lancement de sa campagne pour la Présidence que ses propos, généralement outranciers, soient relégués aux pages « Entertainment » d’organes de presse aussi peu clairvoyants que le New York Times. Trump n’est pas un joueur solitaire. Andres Serrano en a fait la démonstration jubilatoire en 2019 avec l’installation The Game : All Things Trump et Jerry Saltz en a détaillé les enjeux dans le livre qui accompagnait l’exposition. Ce même Trump présent, en 2004, dans une des séries les plus populaires de Serrano, America, initiée au lendemain du 11 septembre, constitue un point d’ancrage à partir duquel la présente exposition a été conçue : d’un drapeau témoin du traumatisme à un autre, plus ancien, inscrit dans la série Infamous de 2019.
Chuckling Charlie The Laughing Robot (The Robots), 2022
© Andres Serrano, Courtesy de l’artiste et de la
Galerie Nathalie Obadia Paris / Bruxelles
"Flag Face" Circa 1890 American Flag (Infamous), 2019
© Andres Serrano, Courtesy de l’artiste et de la
Galerie Nathalie Obadia Paris / Bruxelles
Ruger.22 Long Rifle Mark II Target II (Objects of Desire), 1992
© Andres Serrano, Courtesy de l’artiste et de la
Galerie Nathalie Obadia Paris / Bruxelles
Piss Christ (Immersions), 1987
© Andres Serrano, Courtesy de l’artiste et de la
Galerie Nathalie Obadia Paris / Bruxelles
Tempora et le Musée Maillol proposent donc un voyage dans l’œuvre « américaine » d'Andres Serrano depuis ses premières réalisations, au mitan des années 1980, jusqu’à ses plus récentes créations. Les séries s’articulent sans nécessairement obéir à une chronologie stricte. Native Americans (1995-1996) introduit Nomads (1990) pour rendre compte du double regard que l’artiste porte sur la société. Les Homeless constituent un sujet permanent dans l’oeuvre de Serrano comme en témoigne l’installation des cartons achetés à des sans-abris et exposés, au sein de ses propres expositions, depuis une dizaine d’années. Si Nomads explore la marginalité des laissés-pour-compte du rêve américain, The Klan (1990), d’une certaine manière, explore une autre facette de l’exclusion: celle des suprémacistes blancs dont les valeurs ont été de plus en plus largement rejetées par une Amérique moderne sans que leur sentiment de déclassement n’ait trouvé de réponse. De son regard objectif Andres Serrano nous invite à réfléchir à ce que l’image donne à voir, au-delà du piège que constitue son esthétisme raffiné. Derrière la beauté d’une croix, la souffrance ; au-delà de l’acier lumineux d’un Colt, la mort ; passé la forme picturale de la robe et du capuchon, la haine et le racisme. Étrangement, l’artiste qui avec le Piss Christ a été au cœur d’une des plus grandes polémiques liées à l’art aux USA, semble ne jamais vouloir prendre parti. Son regard revendique l’objectivité glacée du canon de revolver. Mais les sujets parlent d’eux-mêmes : The Morgue (1992) met en scène la mort comme ultime espace d’égalité devant la vie, Holy Works (2011) met en lumière l’hystérie religieuse ; Objects of Desire (1992), la pulsion mortifère galvanisée par le deuxième amendement qui assure la liberté du port d’arme ; Torture (2015), la violence d’État ; Infamous (2019) la permanence des préjugés aussi bien raciaux que sexistes…
De série en série, Andres Serrano livre un portrait de l’Amérique tel qu’il la croise au quotidien et tel qu’il la sent évoluer sous son objectif. La photographie devient ainsi un témoignage qui a largement conditionné la progression de son œuvre : le choix du sujet renvoie désormais au projet d’inventaire qui traverse largement la création contemporaine. Puisant dans des plateformes comme Ebay ou dans des ventes publiques, Andres Serrano réunit un matériau anthropologique dont la photographie fixe le sens au-delà de la nomenclature. The Game: All Things Trump constitue à ce titre une expérience politique et artistique nouvelle. Nous espérons que les séries déployées ici permettront de mieux comprendre les enjeux qui déchirent l’Amérique dans l’attente de son 47e Président... dont dépendra largement le devenir du monde pour les années à venir.
Le parcours de l’exposition traverse la carrière artistique d'Andres Serrano depuis la fin des années 80 jusqu’à aujourd’hui, non sur le mode d’une rétrospective chronologique mais bien en explorant les différentes facettes de son œuvre en lien direct avec la société américaine contemporaine dont il donne à voir ici un portrait multiple. A travers dix chapitres et quatre-vingt-neuf œuvres exposées, l’exposition parcourt quelques-unes des séries les plus emblématiques de l’artiste : Native Americans, America, Nomads, Infamous, The Klan, Torture, Holy Works, Objects of Desire, Immersions, Bodily Fluids, Nudes, History of Sex, The Morgue, Robots, The Game : All Things Trump…
© Tempora / dbcreation
ANDRES SERRANO est né à New York (États-Unis) en 1950. Il vit et travaille à New York. Diplômé en 1969 de la Brooklyn Museum Art School de New York, Andres Serrano fait partie des artistes contemporains les plus reconnus de la scène internationale. Andres Serrano est représenté par la Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles, depuis 2012.
Commissariat collectif de l'exposition : Michel Draguet, Elie Barnavi, Benoît Remiche
MUSÉE MAILLOL
59-61 rue de Grenelle, 75007 Paris