03/09/24

Cinzia Canneri @ Visa pour l’Image 2024 – Perpignan : Le corps des femmes comme champs de bataille

Cinzia Canneri
Le corps des femmes comme champs de bataille
Visa pour l’Image 2024 – Perpignan
Festival International du Photojournalisme 
31 août - 15 septembre 2024 

CINZIA CANNERI
Marhawit (21 ans), la cheffe du groupe de
jeunes soldates, les exhorte à mobiliser force
et confiance pour libérer les habitants du Tigré.
Nebelet, Tigré, Éthiopie, 7 avril 2024.
© Cinzia Canneri,
Lauréate du Prix Camille Lepage 2023

CINZIA CANNERI
Kebedesh (38 ans) et sa fille (11 ans). Elles ont
été attaquées chez elles au Tigré le 28 décembre
2020 par quatre soldats érythréens qui ont violé
Kebedesh et jeté de l’eau bouillante sur sa fille
pour qu’elle arrête de crier.
Adwa, Tigré, Éthiopie, 23 décembre 2023.
© Cinzia Canneri,
Lauréate du Prix Camille Lepage 2023

CINZIA CANNERI
La guerre au Tigré a contraint de nombreuses
femmes à travailler la terre. Celles-ci vivent
seules avec leurs enfants après être devenues
veuves ou, pour les victimes d’agressions
sexuelles, avoir été rejetées par leur mari.
Adwa, Tigré, Éthiopie, 20 décembre 2023
© Cinzia Canneri,
Lauréate du Prix Camille Lepage 2023

L’atteinte systématique au corps des femmes dans la guerre semble être une stratégie universelle. Les femmes sont l’objet de formes de violences spécifiques, notamment les violences sexuelles ou « violences basées sur le genre ». Il est évident que les hommes sont aussi victimes de violences, mais c’est la nature sexospécifique de cette violence qui différencie l’expérience des femmes.

Ce projet se concentre sur la situation des femmes érythréennes et tigréennes qui ont fui l’Érythrée, l’Éthiopie et le Soudan, trois pays ayant des liens géopolitiques. Dans cette région du monde, les femmes sont constamment soumises à des violences physiques et sont également victimes des forces sociopolitiques et des conflits ethniques ou frontaliers. Et l’accord de paix entre l’Érythrée et l’Éthiopie signé en 2018 qui valut au Premier ministre éthiopien de recevoir le prix Nobel de la paix en 2019 n’a rien changé à la situation.

Ce projet portait initialement sur les femmes érythréennes fuyant l’un des régimes les plus répressifs du monde et cherchant refuge en Éthiopie entre 2017 et 2019. Il a ensuite été prolongé après que les Forces de défense nationale éthiopiennes, soutenues par celles de la région d’Amhara et d’Érythrée, ont envahi le Tigré dans le nord de l’Éthiopie en novembre 2020. Les femmes tigréennes et érythréennes ont fui vers les camps de réfugiés d’Addis-Abeba ou du Soudan.

Des experts des Nations unies ont porté des accusations de crimes et d’atrocités contre tous les belligérants impliqués au Tigré, y compris les Forces de défense nationale éthiopiennes (FDNE), les Forces de défense érythréennes (FDE) et les milices Amhara (Fano), ainsi que des accusations spécifiques de violences sexuelles contre les femmes. Les forces armées érythréennes ont utilisé les violences sexuelles comme arme de guerre, punissant les Érythréennes pour avoir fui leur pays, et cherchant à exterminer les Tigréennes. Leurs corps sont devenus des champs de bataille. Elles sont victimes de viols individuels et collectifs, d’esclavage sexuel, de mutilations et de torture, laissant des cicatrices physiques et mentales indélébiles.

De très jeunes filles tigréennes ont rejoint l’armée pour se protéger, tandis que les filles érythréennes craignaient les combattants de leur propre camp. Les femmes victimes de violences sont rejetées par leur mari et font face à la stigmatisation sociale, mais certaines ont formé des groupes de soutien pour reconstruire leur vie, et beaucoup ont trouvé des parcelles de terre à cultiver pour se nourrir.

La Commission internationale d’experts des droits de l’homme sur l’Éthiopie a été créée en décembre 2021 pour enquêter sur les violations, mais le gouvernement éthiopien freine ces efforts extérieurs.

Après deux ans de guerre, l’accord de cessation des hostilités entre l’Éthiopie et le Tigré (accord de Pretoria) a été signé, mais le processus de paix est long et ne se résume pas à un simple accord militaire. Il requiert également la reconnaissance des droits humains, tant pour les femmes que pour les hommes. Les femmes demandent justice et aspirent à un avenir meilleur pour elles-mêmes et leurs enfants.

Cinzia Canneri

Lauréate du Prix Camille Lepage 2023







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