01/11/10

Michael Riedel – Galerie Michel Rein, Paris

Michael Riedel
Galerie Michel Rein, Paris
Jusqu’au 20 novembre 2010

Cette première exposition monographique de MICHAEL RIEDEL en France marque son entrée à la galerie Michel Rein.

Qu'une oeuvre soit réalisée importe peu. Ce qui compte c'est qu'elle existe. Pour cela il faut qu'elle rencontre un public. Il faut qu'elle circule, ce qui n'a lieu que par la diffusion et la médiation. Pour qu'une oeuvre existe il faut qu'elle soit visible, il faut qu'elle soit retransmise, que des articles soient écrits à son sujet, que des photographies soient prises et diffusées. Il faut que l'oeuvre soit livrée à l'interprétation du langage et des techniques de reproduction. L'existence d'une oeuvre est donc dépendante des déplacements qu'implique sa diffusion. Un texte en fait une description toujours trop sommaire et une interprétation qui encercle ses enjeux. Une photographie lui ampute son volume, ses dimensions et un certain nombre de ses qualités plastiques. Sa mise en mouvement se fait donc en trahissant ses qualités.

Si ce mouvement est primordial à l'existence d'une oeuvre il semble assez logique de le privilégier puisqu'il se substitue à toute réalisation. D'autant plus que de toutes façons celle-ci a toutes les chances d'être déformée par cette mise en circulation. C'est la position que prend Michael Riedel. Il alimente le circuit auquel est destinée toute oeuvre. Un circuit fait d'expositions, de médiatisations et d'interprétations. Mais il l'alimente avec les modalités de ces déplacements eux-mêmes. Les posters sur toile Untitled ont ainsi comme contenu de l'information extraite de sites Internet, celui du site du Moma de New York qui documente une oeuvre de Michael Riedel présente dans ses collections et celui d'un site d'informations culturelles qui annonce l'actualité des expositions. Dans un cas comme dans l'autre ce sont des informations sur le travail de Michael Riedel qui servent de matériau.

Ce type d'information est par ailleurs régulièrement produit par des protocoles que Michael Riedel met en place lui-même. Chacune de ses expositions est accompagnée d'un poster contenant un texte et des images. Les photographies sont prises sur le vif, elles rendent compte du projet dans le moment où il se réalise, loin de la neutralité prétendue des « vues d'expositions ». Comme celles-ci, elles proposent un point de vue sur son travail. Les textes sont des monologues ou des discussions enregistrées avec un logiciel de reconnaissance vocale qui transcrit directement la parole en texte. Bien qu'ils soient produits sur le vif et de façon mécanique, ils sont comme tout compte-rendu d'exposition ou entretien publiés dans un magazine, ils s'écartent de leur objet malgré leurs intentions. Ces posters rendent compte d'un objet dont ils s'écartent. Leur fidélité est en effet trahie par leur nature même.

Ces posters ont été assemblés dans un ouvrage : Gedruckte und nicht gedruckte Poster 2003-08 (Posters publiés et non publiés, 2003-08). La technique pour les mettre en page a consisté à les assembler sur une unique planche dans laquelle les plis et les coupes ont été réalisés pour composer un livre au format inférieur aux posters, opération les rendant illisibles. Sa forme de livre empêche finalement la lecture de son contenu. C'est ici encore l'adaptation à un format et un type de diffusion qui génère un objet prenant ses distances vis-à-vis de ce dont il est censé rendre compte. On l'aura compris, ces déplacements fondent le travail de Michael Riedel.

La typographie utilisée par Michael Riedel est l'Arial, sorte d'Helvetica bas de gamme, fournie par défaut. Ses mises en page révèlent la même neutralité. Elles semblent le résultat d'un copier-coller ne respectant aucune des mises en forme de la source. L'un comme l'autre sont les signes de passages d'un médium à un autre produisant une modification du contenu et en bousculant la lecture. La série Four proposals for the change of modern * relève de ces déplacements. Lors d'une exposition au Modern Institute à Glasgow Michael Riedel extrait le mot « modern » du logo de cette institution qu'il découpe dans du tissu présenté comme une bannière. Utilisant le tissu découpé comme un pochoir, l'artiste crée une série d'impressions numériques sur toile, accordant la même importance au processus de production qu'à l'objet final. De nouvelles versions du mot Modern ont découlé de Four Proposals for the change of Modern in the logo of the Modern Institute, et continuent d'évoluer les uns des autres, en une série à la numérotation infinie quoique prévisible. Ces interprétations ne nous fournissent pas nécessairement d'informations à propos du travail de Michael Riedel, mais, comme avec ses posters et cartes postales, sur le fait qu'il existe et qu'il est transmis au monde.

FRANCOIS AUBART, Octobre 2010

GALERIE MICHEL REIN, PARIS

16/10 – 20/11/2010

www.michelrein.com