16/10/21

CinéMode par Jean Paul Gaultier, Cinémathèque française, Paris

CinéMode par Jean Paul Gaultier 
La Cinémathèque française, Paris 
6 octobre 2021 - 16 janvier 2022 

CaixaForum Madrid, 17 février 2022 - 5 juin 2022
CaixaForum Barcelone, 5 juillet 2022 - 23 octobre 2022 
CaixaForum Séville, 24 novembre 2022 - 19 mars 2023
CaixaForum Saragosse, 19 avril 2023 - 20 août 2023
CaixaForum Palma, 21 septembre 2023 - 24 janvier 2024 

CinéMode par Jean Paul Gaultier
CinéMode par Jean Paul Gaultier
à la Cinémathèque française, Paris
Affiche de l'exposition

Jean Paul Gaultier à la Cinémathèque française
Jean Paul Gaultier à la Cinémathèque française 
Photographie © Capucine Henry

Funny Face, Marlene Dietrich, Yves Saint Laurent : certains films, quelques comédiens et couturiers renommés nous rappellent immédiatement ce que le cinéma et la mode ont pu engendrer en termes de collaborations fécondes, de magie, de renouveau des corps et de leurs images. Jean Paul Gaultier fait partie de ces incontournables. Régulièrement, il place ses collections sous le signe du 7e art. Et Dieu créa l'Homme, Le Charme coincé de la bourgeoisie, James Blonde, Sleepy Hollow : leurs titres témoignent d'un mélange de genres, d'humour, de sexualisation, de cinéphilie et de pop culture. Un esprit dans lequel s'est retrouvé Pedro Almodóvar, auquel Jean Paul Gaultier est souvent associé en tant que costumier de cinéma. La pénétration de sa griffe dans l'espace diégétique de cinéastes s'est pourtant opérée à bien d'autres occasions et sous différentes formes : pour la première fois dans Le Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant (1989) de Peter Greenaway, à travers Catherine Deneuve dans Au plus près du paradis (2002) de son amie et réalisatrice Tonie Marshall (1951-2020), à qui l'exposition est dédiée. Mais encore de manière explosive dans Le Cinquième Élément de Luc Besson (1997), où des créatures intergalactiques hors normes font tout particulièrement état de la vision de l'humanité du couturier. Il est peu de dire que les tenues de Jean Paul Gaultier sous-tendent en elles-mêmes tout un univers, incarné sur les podiums par des mannequins aux fortes personnalités et de tout type physique, comme autant de personnages sortant d'une intrigue. À l'instar d'autres couturiers stars des années 1980, le couturier a ainsi transformé le défilé de mode – construit sur un scénario, une orchestration sonore et une scénographie élaborés en un spectacle proprement cinématographique.

Nacho Pinedo
Pedro Almodóvar, Victoria Abril et Jean Paul Gaultier 
sur le tournage de Kika, 1994 
© Nacho Pinedo

William KLein
William Klein
Photographie en coulisses du film
Qui êtes-vous Polly Maggoo ?, 1966
© William Klein/ Films Paris New York

CinéMode par Jean Paul Gaultier : La mode vue par le grand écran

Deux films trouvent une place particulièrement importante dans l'exposition. En tout premier lieu Falbalas, mélodrame de Jacques Becker (1945) dont l’histoire se situe dans l’effervescence d’une maison de couture d’après-guerre. Première école, film séminal par excellence, dont Jean Paul Gaultier transformera les images découvertes à l'âge de 13 ans en créations de mode. « Sans le défilé de Falbalas, je n'aurais jamais fait ce métier », a-t-il souvent répété. Le deuxième long métrage est Qui êtes-vous Polly Maggoo ? (1966) du photographe américain basé en France, William Klein. Regard aigu sur son époque, mise à nu de la téléréalité naissante, satire des délires égocentriques du milieu de la couture alors dominé par le Space Age : personne – du couturier misanthrope à la rédactrice en chef versatile – n'y est épargné. En 1970, Pierre Cardin, connu pour ses créations futuristes unisexes et précurseur de la figure du couturier-vedette, est alors au sommet de sa gloire. Il accueille le jeune Jean Paul Gaultier dans sa maison : c'est sa deuxième école de mode.

Blow-Up de Michelangelo Antonioni (1966), Barbarella de Roger Vadim (1968) et 2001, l'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick (1968), entre autres, témoignent de ce mouvement utopique à la croisée du design, de la science et de la musique. Bien d'autres films s'amuseront à caricaturer les mannequins frivoles, la presse people ou les riches clientes des premiers rangs du catwalk : certains inoubliables comme The Women de George Cukor (1939), où le défilé de mode surgit comme une pause émerveillée en couleurs dans un film encore en noir et blanc.

CinéMode par Jean Paul Gaultier : Femme fatale, macho man

Loin d'une histoire exhaustive des relations entre la mode et le cinéma – l'exercice eût été difficile – CinéMode par Jean Paul Gaultier est aussi une plongée dans les représentations genrées, sur le grand écran et à travers les vêtements. Défilent ainsi les femmes fatales ultra-féminisées d'Hollywood, telles Mae West et Marilyn Monroe, dans leurs tenues ajustées aux décolletés vertigineux. Mais aussi la star française Brigitte Bardot, maintes fois accusée d'outrages aux bonnes mœurs et à l'avant-garde d'une mode prêt-à-porter simple, jeune et insouciante. Face à elles, les gangsters, cowboys et superhéros s'incarnent dans des virilités conquérantes : profondément macho chez John Wayne, brutalement musculaire chez Sylvester Stallone, plus ingénu chez les premiers interprètes de Superman au célèbre justaucorps. Parmi eux, Marlon Brando fait figure de véritable rupture : avec Un tramway nommé désir (Elia Kazan, 1951), il reste la figure la plus célèbre d'une nouvelle masculinité prolétaire à la fois menaçante et fortement érotisée, déplaisante et désirable. Icône de cinéma, l'acteur influence la mode de la rue masculine des années 1950 et toute une génération de jeunes férus de rock'n'roll qui – pour la première fois dans l'histoire des vêtements – ne s'habillent plus comme leurs parents.

CinéMode par Jean Paul Gaultier : Et tous les autres « freaks »

Sexualiser les corps, féminiser les silhouettes masculines, valoriser les femmes puissantes : tel est le credo du couturier empreint de culture camp anglo-américaine (de Rocky Horror Picture Show à Divine), en phase avec les avant-gardes émergentes et les mouvements d'émancipation. « Quand, en 1976, j'ai présenté ma première collection à Paris, j'ai été considéré comme un iconoclaste, en marge du bon chic parisien. D'ailleurs, seuls les journalistes anglais et japonais ont parlé et écrit de façon positive sur mon défilé. C'est vrai que je n'étais pas d'accord avec le diktat selon lequel les femmes doivent être à tout prix « hyper-féminines » (d'ailleurs ça veut dire quoi, au juste : porter des robes à volants, ou à motifs, avec des fleurs ou des petits oiseaux imprimés ? Pas mon genre !). À Londres, c'était l'inverse, je voyais des femmes aux attitudes rebelles. Il y en avait aussi au Palace, à Paris, mais à Londres, cette excentricité était partout : dans la rue, les allures étaient incroyables, avec un goût appuyé de la différence et toujours le sens de l'humour en plus ». À l'image de la marinière de Querelle (Rainer Werner Fassbinder, 1982), symbole homo-érotique, ou du look androgyne bohème de Jane Birkin, exacerbé dans Je t'aime moi non plus (Serge Gainsbourg, 1976), CinéMode par Jean Gaultier raconte comment les vêtements trouvent une magnifique chambre d'écho dans le cinéma, qui n'a cessé lui-même de briser des tabous. Le tout dans un grand brassage de références, de détournement de codes et de dissolution des frontières.

Texte de Florence Tissot 

Jean Paul Gaultier par Peter Lindbergh
Jean Paul Gaultier par Peter Lindbergh 
© Peter Lindbergh

Commissaire général de l’exposition : Jean Paul Gaultier
Avec la collaboration de Matthieu Orléan et Florence Tissot, commissaires associés

CinéMode par Jean Paul Gaultier
CinéMode par Jean Paul Gaultier
Couverture du catalogue de l’exposition
Coédition Flammarion / La Cinémathèque Française
Sous la direction artistique de Jean Paul Gaultier
et la direction d’ouvrage de Matthieu Orléan et Florence Tissot.
24 x 32 cm et 17,5 x 32, 300 images – 240 pages
Jean Paul Gaultier s’exprime avec impertinence et émotion sur les liens croisés entre la mode et le cinéma et se confie sur les films qui ont inspiré sa vocation de créateur couturier. Le livre réunit également des entretiens avec Pedro Almodóvar, William Klein et Josiane Balasko et des essais inédits de Hannah Morelle, Gérard Lefort, Nicole Foucher, Raphaëlle Stopin et Valerie Steele. Avec une bio-filmographie de Jean Paul Gaultier : « Ma vie en films ».
LA CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE
51 rue de Bercy, 75012 Paris

A lire également sur ce blogzine :
Jean Paul Gaultier, Grand Palais, Paris, 1er avril - 3 août 2015