26/11/21

Pierre Bonnard @ Musée de Grenoble - Les couleurs de la lumière

Bonnard. Les couleurs de la lumière
Musée de Grenoble
30 octobre 2021 - 30 janvier 2022

Pierre Bonnard
Pierre Bonnard 
La Place Clichy, 1912
Huile sur toile. Paris, Centre Pompidou, musée national d’Art moderne.
Dépôt au Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, Besançon
© Besançon, musée des beaux-arts et d’archéologie – Photographie C. Choffet

Pierre Bonnard
Pierre Bonnard
Paysage normand, 1920 
Huile sur toile
Musée Unterlinden, Colmar
© Christian Kempf

Pierre Bonnard
Pierre Bonnard 
Intérieur blanc, 1932
Huile sur toile. Grenoble, Musée de Grenoble
© Photo Ville de Grenoble/Musée de Grenoble - J.-L. Lacroix

Sous le titre Bonnard. Les couleurs de la lumière, le musée de Grenoble en partenariat avec le musée d’Orsay présente une grande exposition consacrée à l’artiste. Rassemblant plus de 75 peintures, une trentaine d’œuvres sur papier (dessins, affiches) et une vingtaine de photographies, elle propose un parcours inédit embrassant la totalité de son œuvre avec, comme fil rouge, le thème de la lumière et les différentes couleurs et nuances qu’elle revêt au cours de sa vie et selon les lieux où il séjourne.

Très tôt présent dans les collections du musée de Grenoble, notamment avec l’un de ses chefs-d’œuvre Intérieur blanc de 1932, Bonnard passa durant sa jeunesse toutes ses vacances dans un petit village en Isère, Le Grand-Lemps, d’où était originaire sa famille paternelle. Néanmoins, jusqu’à présent le musée n’avait encore jamais organisé une exposition dédiée à cette figure majeure de l’art du XXe siècle. Cette manifestation, qui bénéficie en outre d’un prêt exceptionnel du Musée national d’art moderne-Centre Pompidou et de plusieurs autres prêts de musées français, permet ainsi de combler cette lacune.

Le parcours s’organise en six sections illustrant chacune un thème représentatif des différentes périodes de sa création. Deux salles viennent s’intercaler dans ce cheminement : une première dédiée à la photographie, que l’artiste pratiqua surtout dans le cercle familial des années 1890 aux années 1910, et une seconde aux arts graphiques, avec notamment un très bel ensemble de dessins témoignant de la vitalité et de la précision de son trait. L’exposition s’achève par un contre-point contemporain avec une série inédite de photographies de Bernard Plossu réalisées récemment dans la maison du peintre au Cannet.

Le Grand-Lemps
La première section s’attache à l’ancrage dauphinois de Pierre Bonnard et aux nombreux étés qu’il passa dans la propriété du Grand-Lemps, où il retrouvait sa sœur Andrée, son beau-frère le compositeur Claude Terrasse et leurs cinq enfants. L’artiste y réalise ses premiers paysages et se souviendra longtemps des sensations premières vécues dans ce « vert paradis ». Quelques grandes compositions aux lumières vaporeuses illustrent cette vie de famille, dont l’artiste se plaisait à fixer avec tendresse les détails, et témoignent au plan stylistique de son engagement auprès des Nabis. S’inspirant encore de l’éden isérois, Pierre Bonnard plonge les scènes idylliques de ses grands décors parisiens dans une douce lumière dorée.

Paris « ville Lumière »
Le parcours se poursuit avec une section consacrée à Paris « ville lumière ». En véritable « peintre de la vie moderne », Bonnard arpente les rues de son quartier, des Batignolles à Montmartre, pour en croquer les scènes du quotidien. Il les retranscrit ensuite de manière sophistiquée dans ses tableaux aux constructions complexes et aux perspectives influencées par l’art du Japon. Les scènes diurnes inspirées des harmonies grises et bleutées de la capitale alternent avec des scènes nocturnes rehaussées parfois de couleurs stridentes pour dire l’effervescence et le dynamisme de la ville.

Lumières normandes
Grand admirateur de Monet qu’il rencontra à plusieurs reprises à Giverny, Bonnard achète en 1912 une propriété dans les environs, à Vernonnet. La troisième section de l’exposition évoque précisément la douceur de la lumière normande et les séjours répétés qu’il fit jusqu’en 1938 dans sa maison appelée « Ma Roulotte », qui dominait un jardin pentu descendant vers la Seine. Il peignit là de nombreux paysages panoramiques qui s’embrasent parfois sous les feux du soleil et, grâce au dispositif de la porte-fenêtre, ses premières compositions faisant cohabiter espace intérieur et vue extérieure.

Entre ombre et lumière
La quatrième section, contrepoint aux vues de plein air, traite des scènes d’intérieur et du goût de l’artiste pour les espaces intimes et confinés. Objets, figures féminines, animaux déploient en de savants agencements une narration exprimant tour à tour la douceur de la vie domestique, la solitude voire l’incommunicabilité entre les êtres. Dans ses intérieurs en huis clos du tournant du siècle, Pierre Bonnard impose sa « manière noire ». La lumière vient ici trouer l’ombre, créant de subtiles tensions entre les couleurs et les formes, tout en faisant écho semble-t-il aux sentiments des occupants silencieux de ces intérieurs. A partir des années 1910, les sujets quotidiens se muent en scènes enchanteresses baignées d’une lumière irréelle. 

Reflets
Cette cinquième section est dédiée à un thème central dans l’œuvre de Pierre Bonnard : le nu féminin. Marthe sa compagne en est le modèle privilégié, et si d’autres femmes posent pour lui comme Lucienne Dupuy de Frenelle ou Renée Montchaty, sa maîtresse durant quelques années, elles se confondent toutes pour former « La Femme », dont Marthe est l’expression générique. Dans la lignée de Degas, Bonnard aime à les dépeindre dans l’intimité du rituel de leur toilette. Adoptant des cadrages inédits, démultipliant les points de vue et fragmentant l’espace grâce à des jeux de miroirs, il traduit de manière stupéfiante le vertige de ses visions intérieures. La lumière nimbe les corps et leur écrin d’un halo scintillant et miroitant et exalte les couleurs jusqu’à créer un véritable éblouissement des sens d’une suave splendeur.

Sous le soleil du midi
C’est à l’impact de la lumière du Midi sur l’artiste qu’est consacrée l’ultime section, et plus particulièrement à celle de la Côte d’Azur que Pierre Bonnard découvre en 1904 en compagnie de Vuillard et de Roussel. Il rencontre alors Signac et Valtat à Saint-Tropez, dont les toiles vivement colorées et composées de touches juxtaposées influencent profondément son approche de l’art. Il retourne ensuite régulièrement dans ce sud enchanteur, louant des villas à Grasse, Saint-Tropez, Antibes et Cannes, et finit par acheter en 1926 une petite maison sur les hauteurs du Cannet, avec une belle vue sur la Méditerranée. C’est là qu’il crée des œuvres apparaissant comme autant d’éloges de la lumière intense du Midi qui diffracte les tons et les formes pour constituer un tout vibrant de couleurs et d’émotions mêlées. 

Pierre Bonnard
Bonnard. Les couleurs de la lumière
Catalogue de l'exposition
Coédition Musée de Grenoble / In Fine éditions d’art
Reliure cartonnée contrecollée, 320 pages, 22 x 28 cm
Sous la direction de Guy Tosatto, directeur du musée de Grenoble, Sophie Bernard, conservatrice en chef chargée des collections d’art moderne et contemporain au musée de Grenoble, Isabelle Cahn, conservatrice générale honoraire des peintures du musée d'Orsay

MUSEE DE GRENOBLE
5 Place de Lavalette, 38000 Grenoble