América Latina 1960-2013 Photographies
Fondation Cartier pour l'art contemporain, Paris
Jusqu'au 6 avril 2014
Photographie de l'affiche : Marcelo Montecino
Managua, 1979
Tirage Cibachrome. Tirage d’époque
Collection privée, courtesy Toluca Fine Art, Paris
© Marcelo Montecino
La Fondation Cartier pour l’art contemporain présente América Latina 1960-2013, en coproduction avec le Museo Amparo de Puebla (Mexique). L’exposition offre une perspective nouvelle sur la photographie latino-américaine de 1960 à nos jours, à travers le prisme de la relation entre texte et image photographique. Rassemblant soixante-douze artistes de onze pays différents, elle révèle la grande diversité des pratiques photographiques dans cette région du monde. Cette exposition, véritable plongée dans l’histoire du sous-continent latino-américain, nous invite à (re)découvrir des artistes majeurs rarement présentés en Europe.
Anna Bella Geiger
Série História do Brasil – Little Boys & Girls, 1975
Cartes postales montées sur tirage gélation-argentique
Collection de l’artiste, courtesy Henrique Faria Fine Art, New York.
Copyright de l’artiste, 1975
Amérique latine : un territoire fascinant
Ancien « Nouveau Monde » associé à un certain exotisme, l’Amérique latine a toujours fasciné les observateurs autant qu’elle les a mystifiés. Aujourd’hui encore, la culture latino-américaine contemporaine suscite un intérêt grandissant, alors même que le contexte historique de sa production demeure souvent méconnu. La période allant de 1960 – au lendemain de la révolution cubaine – à nos jours, marquée par l’instabilité politique et économique, a vu se succéder les mouvements révolutionnaires et les régimes militaires répressifs, l’émergence des guérillas et les transitions démocratiques. En explorant l’interaction entre texte et photographies dans l’art latino-américain au cours des cinquante dernières années, l’exposition América Latina choisit de mettre en perspective cette époque tumultueuse de l’histoire à travers le regard des artistes.
Adriana Lestido
Série Mujeres presas, 1991-1993
Tirage gélatino-argentique. Tirage d’époque
Collection Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris
© Adriana Lestido
Entre texte et photographies, un espace de liberté
Les connexions étroites entre art et littérature, entre texte et image dans la culture latino-américaine, ont plusieurs précédents historiques. Luis Camnitzer – artiste conceptuel pionnier et écrivain – a insisté sur l’importance de personnalités marquantes, devenues de véritables références : l’éducateur Simón Rodríguez – tuteur de Simón Bolívar au XIXe siècle, qui utilisait des dispositifs textuels formels comme autant d’outils de lutte et de résistance – ; les poètes concrets des années 1950, qui se servaient du mot écrit comme d’un élément visuel de leur travail ; ou l’influence culturelle plus générale d’écrivains tels que Jorge Luis Borges, Pablo Neruda ou Octavio Paz.
Claudia Andujar
Marcados para, 2009
Diptyque composé de tirages jet d’encre
Courtesy Galeria Vermelho, São Paulo
© Claudia Andujar
Au-delà de cette longue tradition poétique qui a marqué la culture visuelle latino-américaine, la juxtaposition entre texte et image s’est avérée être un champ d’exploration particulièrement riche pour les artistes confrontés à d’importants bouleversements politiques et sociaux à partir des années 1960. Face aux gouvernements autoritaires, mus par un sentiment d’urgence, nombre d’artistes ont utilisé ce moyen pour s’exprimer et communiquer dans un tel contexte. En effet, si la photographie enregistre rapidement et fidèlement la réalité, le texte permet d’étendre ou de modifier le sens de l’image. A travers ces inventions formelles, les artistes ont cherché à rendre compte de la complexité et de la violence du monde qui les entourait, et, dans certains cas à déjouer la censure. Ainsi, l’artiste chilien Eugenio Dittborn crée dans les années 1980 des « peintures aéropostales » qui, pliées et envoyées à travers le monde, s’affranchissent de l’enfermement culturel du Chili de Pinochet. Figure de proue de la photographie brésilienne, Miguel Rio Branco, quant à lui, donne à voir avec une grande poésie les laissés-pour-compte d’une société à deux vitesses.
Eduardo Villanes
Série Gloria evaporada, 1994
Tirage gélatino-argentique. Tirage d’époque
Collection de l’artiste, Lima
© Eduardo Villanes
Une diversité d'artistes et de pratiques
L’espace de liberté entre texte et image se fait le creuset d’une extrême diversité de modes d’expression et de reproduction, qui interroge la notion même d’Amérique latine. En quatre sections thématiques – Territoires, Villes, Informer-Dénoncer, Mémoire et Identités –, América Latina explore ainsi les multiples façons dont les artistes latino-américains, dépassant les techniques photographiques traditionnelles pour explorer leur monde, s’emparent d’une large gamme de médias tels que l’impression photo-offset, la sérigraphie et les collages, la performance, la vidéo et l’installation.
Ever Astudillo
Série Latin Fire, 1975-1978
Tirage gélatino-argentique. Tirage d’époque
Collection privée, courtesy Toluca Fine Art, Paris
© Ever Astudillo
Miguel Calderón
Sans titre (Rings), 2006
Tirage jet d’encre.
Courtesy de l’artiste et kurimanzutto, Mexico
© Miguel Calderón
L’artiste brésilienne Regina Silveira fait par exemple intervenir les stéréotypes communément accolés à l’Amérique latine dans To Be Continued… (Latin American Puzzle), oeuvre murale en forme de grand puzzle créée à partir d’images récupérées dans des magazines et des guides touristiques. Suivant une approche plus traditionnelle, le Vénézuélien Paolo Gasparini capture la cacophonie visuelle engendrée par la rapidité du développement urbain. Reproduisant de son côté des images issues de la presse populaire au moyen de l’impression, l’artiste argentin Juan Carlos Romero dénonce la violence frontale de la société argentine dans son oeuvre Violencia. Citons enfin une vidéo intitulée Bocas de ceniza (« Bouches de cendre »), du Colombien Juan Manuel Echavarría, portrait filmé d’hommes qui ont choisi de raconter en poésie et en chanson leur expérience personnelle de la violence de la guérilla.
Guillermo Deisler
Sans titre, 1977-1979
Collage à partir de coupures de presse et de photocopies
Courtesy Henrique Faria Fine Art, New York
© Guillermo Deisler
La découverte de voix singulières
Afin de donner la parole à ces artistes exceptionnels, le photographe et réalisateur paraguayen Fredi Casco a voyagé à travers toute l’Amérique latine pour réaliser un film à valeur de document historique. Réalisés à l’initiative de la Fondation Cartier, ces quelque trente entretiens exclusifs offrent des portraits approfondis et personnels, proposant au visiteur de pénétrer dans l’univers créatif de chaque artiste. América Latina 1960-2013 permet ainsi de souligner les affinités entre les artistes à travers les pays et les générations tout en reflétant la diversité des langages visuels propre au sous-continent latino-américain. Avec plus de 500 oeuvres, elle témoigne de la vitalité de l’art latino-américain et de l’héritage significatif que nous laissent ces artistes, montrant leur influence au-delà de leur territoire culturel ou géographique. Plus particulièrement, la présence importante d’oeuvres venues du Pérou, de Colombie, du Venezuela ou encore du Paraguay, permet de découvrir des scènes artistiques situées en marge des trajectoires habituelles du monde de l’art contemporain.
Facundo de Zuviría
Confitería, avenida de Mayo, 1987
Tirage chromogène. Tirage d’époque
Collection Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris
© Facundo de Zuviría
Commissariat de l'exposition : Ángeles Alonso Espinosa, Hervé Chandès, Alexis Fabry, Isabelle Gaudefroy, Leanne Sacramone et Ilana Shamoon
Le catalogue de l'exposition : L’ouvrage de référence sur la photographie latino-américaine avec plus de 500 reproductions couleur et noir et blanc. Textes de Luis Camnitzer, Olivier Compagnon et Alfonso Morales Carrillo.
Artistes de l'exposition
Elías ADASME (Chili), Carlos ALTAMIRANO (Chili), Francis ALŸS (Mexique), Claudia ANDUJAR (Brésil), Antonio Manuel (Brésil), Ever ASTUDILLO (Colombie), Artur BARRIO (Brésil), Luz María BEDOYA (Pérou), Iñaki BONILLAS (Mexique), Oscar BONY (Argentine), Barbara BRÄNDLI (Venezuela), Marcelo BRODSKY (Argentine), Miguel CALDERÓN (Mexique), Johanna CALLE (Colombie), Luis CAMNITZER (Uruguay), Bill CARO (Pérou), Graciela CARNEVALE et le Grupo de Artistas de Vanguardia (Argentine), Fredi CASCO (Paraguay), Guillermo DEISLER (Chili), Eugenio DITTBORN (Chili), Juan Manuel ECHAVARRÍA (Colombie), Eduardo Rubén (Cuba), Felipe EHRENBERG (Mexique), Roberto FANTOZZI (Pérou), León FERRARI (Argentine), José A. FIGUEROA (Cuba), Flavia GANDOLFO (Pérou), Carlos GARAICOA (Cuba), Paolo GASPARINI (Venezuela), Anna Bella GEIGER (Brésil), Carlos GINZBURG (Argentine), Daniel GONZÁLEZ (Venezuela), Jonathan HERNÁNDEZ (Mexique), Graciela ITURBIDE (Mexique), Guillermo IUSO (Argentine), Alejandro JODOROWSKY (Chili), Claudia JOSKOWICZ (Bolivie), Marcos KURTYCZ (Mexique), Suwon LEE (Venezuela), Adriana LESTIDO (Argentine), Marcos LÓPEZ (Argentine), Pablo LÓPEZ LUZ (Mexique), Rosario LÓPEZ PARRA (Colombie), LOST ART (Brésil), Jorge MACCHI (Argentine), Teresa MARGOLLES (Mexique), Agustín MARTÍNEZ CASTRO (Mexique), Marcelo MONTECINO (Chili), Oscar MUÑOZ (Colombie), Hélio OITICICA (Brésil), Damián ORTEGA (Mexique), Pablo ORTIZ MONASTERIO (Mexique), Leticia PARENTE (Brésil), Luis PAZOS (Argentine), Claudio PERNA (Venezuela), Rosângela RENNÓ (Brésil), Miguel RIO BRANCO (Brésil), Herbert RODRÍGUEZ (Pérou), Juan Carlos ROMERO (Argentine), Lotty ROSENFELD (Chili), Graciela SACCO (Argentine), Maruch SÁNTIZ GÓMEZ (Mexique), Vladimir SERSA (Venezuela), Regina SILVEIRA (Brésil), Milagros DE LA TORRE (Pérou), Susana TORRES (Pérou), Sergio TRUJILLO DÁVILA (Colombie), Jorge VALL (Venezuela), Leonora VICUÑA (Chili), Eduardo VILLANES (Pérou), Luiz ZERBINI (Brésil), Facundo DE ZUIVIRÍA (Argentine).
Fondation Cartier pour l'art contemporain